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Bibliographie de Baba Simon

 
Photo : Archives Tokombéré
Baba Simon lors d'une de ses tournées dans les villages
 
 
Photos : Archives Tokombéré
Baba Simon avec des Kirdi au sein de sa paroisse
 
 

Vie et oeuvre de Simon Mpeke à Tokombéré, Rapport de recherche, Jeannette Dambaï, Université de Ngaoundéré, FALSH, 2005

INTRODUCTION GENERALE
 

Dans son article en guise de prologue à une série d’études sur les acteurs de l’histoire au Nord Cameroun, Thierno Mouctar Bah affirme que le genre biographique a constitué des siècles durant le fondement de l’historiographie. A cet effet, il mentionne que tout un mouvement se manifeste dans le département d’Histoire des universités africaines en faveur des récits de vie1. C’est le cas notamment du département d’Histoire de l’université de Ngaoundéré où tout un élan d’intérêt se manifeste vis-à-vis des études biographiques. C’est dans cette perspective dynamique de production d’un travail biographique que se positionne notre étude qui a pour thème « vie et œuvre de Simon Mpeke2 à Tokombéré (Extrême-Nord Cameroun) 1959-1975 ». L’année 1959 marque la date de l’arrivée de Simon Mpeke à Tokombéré et 1975 correspond à l’année de sa mort.

Le choix d’un tel sujet n’est pas fortuit. D’abord, les étudiants arrivés en fin d’études au premier cycle de l’enseignement universitaire à la Faculté des Arts, Lettres et Sciences Humaines ( FALSH), sont tenus de produire un rapport de licence. La première raison est donc académique. Ensuite, nous portons sur ce sujet un intérêt soutenu et disposons d’éléments originaux pour produire un travail sur Baba Simon. Il répond enfin à notre désir de contribuer à une meilleure connaissance de l’histoire de cet acteur de l’Histoire qui a satellisé les consciences à Tokombéré.

L’histoire de Baba Simon ne manque pas moins d’intérêt dans la mesure où elle nous permet de retracer la vie de cet homme qui a tant fait et dont peu de choses ont été dites de lui. Il nous semble en effet fructueux dans le cadre de ce travail de focaliser l’attention sur les différentes mutations socioculturelles qui, sous l’impulsion de Baba Simon, ont remodelé la société du Nord Cameroun et singulièrement la localité de Tokombéré. L’importance des œuvres réalisées par Baba Simon entre autres la construction d’un hôpital, d’édifices culturels, des écoles et son œuvre d’évangélisation sont autant d’arguments qui militent en faveur de la pertinence d’une telle étude. Son œuvre a amené ses supérieurs hiérarchiques à émettre l’idée d’une éventuelle canonisation. C’est donc dire que ce personnage n’a pas seulement une aura locale, régionale ou nationale mais aussi internationale. La personne de Baba Simon a intéressé beaucoup d’auteurs. Ces derniers s’y sont penchés avec des perspectives diverses.

Christian Aurenche3 dans ses publications s’attarde davantage sur la piété et la forte personnalité religieuse de Baba Simon. Dans ses ouvrages, il est question d’un développement communautaire sur l’action de Baba Simon. Tel qu’on peut le constater, il ne fut pas associé à ses œuvres et à celles de ses successeurs pour une analyse autre que religieuse et encore moins dans une perspective historique. C’est cette portion encore inexplorée qui fera, entre autres aspects, l’objet d’analyse de notre travail. Dans son ouvrage consacré à Baba Simon, Jean- Baptiste Baskouda4 appréhende ce dernier comme acteur de la libération du pauvre qui redonne aux Kirdis5 la fierté d’être Kirdi en défiant préjugés et idées reçues. Par ailleurs, il l’étudie en tant qu’homme de foi. Ce travail est donc d’un apport indéniable dans la réalisation du nôtre. Mais, il nous semble que le travail de Baskouda est beaucoup plus un témoignage qu’une étude historique véritable. Grégoire Cador6 dans son ouvrage a eu le mérite de retracer la vie de Baba Simon à travers de nombreux témoignages et une documentation abondante. « L’auteur ressuscite ainsi la mémoire vivante d’un personnage du passé dont la grandeur d’âme et les bonnes œuvres se conjuguent encore merveilleusement au présent de l’indicatif 7». Yves Plumey8, dans son volumineux ouvrage consacré à l’œuvre des Oblats de Marie Immaculée au Nord Cameroun, relève l’important rôle qu’a joué Baba Simon dans l‘œuvre d’évangélisation dans la partie septentrionale du Cameroun. Gigla Garakcheme9 dans son rapport de licence traite du rôle de l’Eglise catholique à travers Baba Simon comme pionnier de l’émancipation des peuples des monts Mandara, principalement ceux de Tokombéré. Paul Matakon se penche davantage sur la spiritualité de Baba Simon10. Néanmoins, tous les ouvrages sus-cités sont importants pour la réalisation de notre travail.

En revanche, il est question dans notre travail de savoir qui est Baba Simon ? Comment a-t-il contribué à l’évangélisation et à la scolarisation des Kirdis de Tokombéré ? Quel héritage a-t-il légué aux populations dites Kirdies de Tokombéré à travers son œuvre d’évangélisation et sa contribution à la scolarisation ?

Plusieurs objectifs sous-tendent la réalisation de ce travail. En premier lieu, il s’agit d’étudier ce qui caractérisait la vie de Baba Simon, personnage religieux qui, grâce à son dévouement, a su imposer aux Kirdis qui, le plus souvent, sont réticents aux mutations en cours, un mode de vie. Ensuite, il est question de montrer la contribution de Baba Simon dans l’œuvre d’évangélisation, de promotion humaine des peuples Kirdis, notamment ceux de Tokombéré. Enfin, le dernier objectif de cette étude est d’analyser l’action de Baba Simon, prêtre originaire du Sud Cameroun, officiant dans le Nord Cameroun qui est considéré à tort ou à raison par les citoyens de la partie méridionale du pays comme une «terre d’exil »

La réalisation de ce travail a exigé de notre part l’adoption d’une méthodologie rigoureuse qui s’est faite en deux phases : la phase de collecte des données et celle de leur traitement. La première se subdivise en deux : le recueil des données orales et celui des données écrites.

En ce qui concerne les données orales, la phase préliminaire a constitué en l’élaboration d’un questionnaire et l’identification des informateurs. Après cette phase, nous sommes descendus sur le terrain pour rencontrer les différents informateurs choisis en fonction de leur âge, de leur sexe et de leur religion. Cette phase de collecte des données orales s’est passée en deux endroits différents : à Tokombéré et à Tala-laki. Nous sommes allés à la rencontre des contemporains de Baba Simon et encadreurs de la paroisse Saint Joseph de Tokombéré. Nous avons également pu rassembler quelques témoignages des populations de Tokombéré. Notre relative connaissance du terrain et notre implication dans les activités de ladite paroisse nous ont été particulièrement utiles. Les sources orales nous ont permis d’enrichir et d’étoffer les données fournies les sources écrites. Il s’agit notamment des témoignages oraux de plusieurs informateurs. Après cette phase de collecte des données orales, nous avons travaillé avec les archives de la mission catholique de Tokombéré, précisément à la bibliothèque privée du postulateur de Baba Simon. Cette bibliothèque pourvue de revues, d’ouvrages, de journaux, d’extraits de mémoires de Baba Simon nous a été d’une grande utilité. Nous avons travaillé également dans la bibliothèque du Grand Séminaire Saint-Augustin de Maroua pour obtenir les données scripturales. En ce qui concerne les sources iconographiques, nous les avons eues chez le postulateur de Baba Simon à Tokombéré. A Ngaoundéré, nous avons travaillé dans la bibliothèque centrale de l’université et dans celle de la FALSH ainsi qu’à la bibliothèque Ngaoundéré Anthropos où d’importants documents biographiques se trouvent.

Après la collecte des données, nous avons abordé la deuxième phase, celle du regroupement des données, de leur recoupement et de leur interprétation critique, ce qui nous a permis d’avoir le noyau dur à base duquel nous avons bâti notre travail. Bien entendu, la réalisation de ce travail ne fut pas une sinécure. Hormis le temps réduit dont nous avons disposé, l’indisponibilité de certains informateurs importants a été un sérieux handicap. Nous aurions voulu rencontrer Yaouba et Boki, compagnons de Baba Simon pendant de longues années et dont les témoignages nous auraient été précieux, mais compte tenu de la préparation de la fête de Noël et de l’implication accrue de Yaouba dans l’enseignement de la catéchèse, il a été impossible pour nous de le rencontrer. Pour ce qui est de Boki, malade bien avant les congés de Noël, nous n’avons pas pu le voir.

Pour mieux cerner la question qui nous préoccupe, nous avons articulé notre travail autour de trois chapitres. Dans un premier temps, nous présentons les origines sociales et la formation de Simon Mpeke (chapitre I). Ensuite, nous examinons sa vie missionnaire (chapitre II). Enfin, nous dégageons les œuvres socioculturelles et l’engagement politique de Baba Simon (chapitre III). Le travail s’achève avec une conclusion qui fait le bilan de l’étude et ouvre des perspectives de recherche.

CHAPITRE I : ORIGINES SOCIALES ET FORMATION DE SIMON MPEKE

III-ORIGINES SOCIALES DE SIMON MPEKE

L’examen du cadre familial, social et la formation de Simon Mpeke, de sa naissance à ses premières années professionnelles, sont des données importantes car c’est pendant ces périodes que se précisent son caractère et sa personnalité qui sont des données essentielles qui guideront son action future.

Famille « royale »

La jeunesse de Simon Mpeke fut sûrement influencée par l’avènement du christianisme et l’imposition de la civilisation européenne au Cameroun. Cependant, son éducation s’est forgée dans le cadre d’une famille «  royale » qui avait un grand respect et de l’admiration pour le travail des missionnaires, sans pour autant s’y impliquer.

Yomba était le fils de Mpeke, de l’ethnie « Elog Mpoo », du clan « Adié » connu sous le nom Bakoko. « Dans les milieux administratifs et populaires, on connaît mal l’ethnie Elog Mpoo qui vit et connaît la même histoire que les Bassa, de loin les plus nombreux et avec lesquels on les confond ».11

Yomba, cultivateur de manioc, de palmier à huile, de macabo et de plantain et quelque- fois pêcheur, était le cousin du chef supérieur Mbomé Pep Ekité. Il était donc de la famille royale. Par ailleurs, il n’était pas chrétien, mais il croyait à l’existence d’un Dieu suprême et pratiquait le culte des ancêtres, le « Njee ». « Système multifonctionnel de croyance et principe d’organisation de la société Elogmpoo, c’était un organe redoutable qui imposait la discipline et faisait régner l’ordre dans la société Elog Mpoo ».12 C’est dans cette famille « royale », de l’union de Yomba et de Eniyem Ngo Epouhe que naquit Mpeke Simon.

Enfance

Eniyem Ngo Epouhe, la femme de Yomba, donna le jour à son premier né à qui on donna le nom de son grand-père : Mpeke. Ce dernier naquit probablement au début de l’année 1900. La date de naissance de Baba Simon fait l’objet de controverse. Son neveu Dikoume, lors de sa conférence à Tokombéré, tenue à l’occasion du vingtième anniversaire de la mort de Baba Simon, situa la naissance de ce dernier entre 1903 et 190413. Jean Baptiste Baskouda avancait la date de 190614. Grégoire Cador situa cette naissance « aux environs de l’année 1900 »15. Fils aîné de Yomba Joseph, paysan et notable du village, et de Eniyem Ngo Epouhe, Mpeke avait une sœur et un frère, Madeleine Yomba et Pierre Mang. Mpeke était prédestiné à une fonction importante dans son clan. Cependant, il devait au préalable comme tout jeune Bakoko être initié au Njee qui devait commencer normalement pour les garçons à l’âge de quinze ans. Mais l’initiation de Mpeke fut anticipée car il était pressenti pour succéder au chef du clan Mbomé Pep Ekité. C’est pour cette raison que ses parents s’étaient opposés à son entrée au séminaire. Seulement, les prévisions selon lesquelles Mpeke devait succéder au chef du clan ne prenaient pas en compte la présence dans la région d’Edéa de quelques missionnaires Pallotins venus d’Allemagne depuis 1890.16

IV-EDUCATION SCOLAIRE ET FORMATION SPIRITUELLE DE SIMON MPEKE
 

En 1891, les missionnaires Pallotins fondèrent la mission catholique d’Edéa. « Ces derniers avaient fait de l’école une priorité de leur apostolat. En 1901, il existait 35 écoles de village autour de la mission d’Edéa avec un total de 700 élèves ».17 

Ecole et formation professionnelle

Mpeke fut inscrit à l’une des écoles allemandes implantée dans la région d’Edéa.

L’entourage du jeune Mpeke est conscient que l’école est la porte de l’avenir. Devenu vieux, Mpeke raconte que c’est son oncle qui l’a envoyé à l’école catholique parce que, disait-il18 : j’ai vu passer un jour des hommes courbés et enchaînés qui partaient pour les travaux forcés. Je ne veux pas que tu deviennes un esclave.19

Mpeke fréquenta la mission d’Edéa à 7 kilomètres environ de Batombé qui est son village natal. La première guerre mondiale entraîna la fermeture des écoles, les bombardements des missions et l’évacuation des troupes allemandes. Les missionnaires allemands du Cameroun furent remplacés par les missionnaires français. En 1916, les missions furent réoccupées et les écoles rouvertes. Le père Douvry, aumônier des troupes françaises, se chargea de ce travail. Après ces incidents, Mpeke reprenait la route de l’école. Il obtint en 1917 son certificat d’études primaires et élémentaires (CEPE).20 Il fut l’un des premiers certifiés de l’école française. Après l’obtention du CEPE, diplôme le plus élevé au Cameroun en ce moment, il entama une carrière d’enseignant. Il s’engagea comme moniteur pour enseigner dans les écoles de brousse. Trois ans plus tard, il obtint son diplôme de moniteur indigène (DMI). Entre temps, Mpeke était ébloui et fasciné par le travail des missionnaires allemands. Habité par l’amour de Jésus, il suivit le cours de catéchisme et fit son entrée dans la grande famille chrétienne universelle par son baptême le 14 août 1918.21 Convaincu par son cousin Simon Moutapam Ekouta Mpeke de fêter ensemble leur saint patron, Saint Simon, il porta le même prénom que son cousin et renonça au prénom Clément qu’il aurait souhaité avoir. Le 15 août de la même année, il reçut la première communion. Et le 9 mai 192022 il reçut le sacrement de confirmation. Il n’était pas comblé, il voulait confier totalement sa vie au Seigneur. Il se posait des questions sur son avenir et c’est pendant ce temps qu’il rencontra Monique.

Une jeune fille de Pouma que le père Jouanneaux, de la mission catholique d’Edéa, avait arraché à un mariage précoce - elle avait 12 ou 13 ans – pour la ramener au sixa23. Ils sont décidés à se marier dès que la formation de la jeune fille serait terminée.24

Mais Simon était destiné à une autre vocation que celle du mariage. Les missionnaires français qui succédèrent aux Allemands après la première guerre mondiale manifestèrent le désir de mettre en place un clergé local pour palier à l’insuffisance des prêtres occidentaux. Et, le Pape Benoît XV donna des consignes concernant la formation du clergé indigène. «  La formation et l’organisation d’un clergé indigène doit être l’une des préoccupations principales de tout directeur de mission ».25De cette fréquentation que le jeune Mpeke entretenait déjà avec les prêtres de sa paroisse allait naître en lui le désir de la vie sacerdotale.

Naissance d’une vocation sacerdotale

En 1920, un père missionnaire parla aux jeunes moniteurs d’Edéa de la vocation sacerdotale et leur présenta un journal dans lequel il y avait la photo des jeunes prêtres sénégalais. Ce fut une découverte et une révélation pour eux. Un nègre pouvait donc accéder à la dignité sacerdotale malgré son titre d’indigène. Beaucoup d’entre eux se décidèrent alors à devenir prêtre. Simon renonça à son mariage et rompit ses fiançailles avec Monique. C’est ainsi qu’il prit la résolution de se faire missionnaire et de consacrer sa vie à étendre le règne du Christ. S’il est vrai que l’action des missionnaires pour mettre en place un clergé local fut déterminante pour la vocation de Simon, il est évident que cela ne fut que complémentaire. Car en effet il faut ajouter en cela sa foi et sa ténacité. Dès lors, il se fixa un objectif : répondre à la voix de l’Eglise. Ce projet allait rencontrer un obstacle. Les parents de Simon allaient s’opposer à l’entrée de ce dernier au séminaire.

Mpeke en effet avait été initié aux rites traditionnels de Njee. Les parents de Simon Mpeke et d’Oscar, soucieux de perpétuer la tradition, étaient préoccupés par la recherche de fiancées pour leur enfant, d’autant que Mpeke, issu du sous-lignage royal des Elog Okoo était destiné à travailler avec son oncle, chef supérieur, dans la perspective d’accéder au trône. En effet, il était le plus instruit de la famille étendue, et l’on commençait alors à prendre en compte l’instruction dans la promotion sociale.26

A cet effet les notables de la famille et son père aillèrent rencontrer Monseigneur Vogt, vicaire apostolique de passage à Edéa pour protester contre l’entrée au séminaire de Simon Mpeke et de Oscar Misoka, un autre moniteur. Vu ces protestations, le vicaire s’engagea à restituer les jeunes à leur famille si les parents continuaient de protester. Mais peu à peu les esprits se calmèrent et même Yomba le père de Simon ne s’opposa plus à sa vocation. En 1924, Yomba mourut sans voir son fils entrer au séminaire.

Séminaire et ordination comme prêtre

Le 21 août 1921, le premier petit séminaire de Mvolyé fut ouvert.27 Simon Mpeke y entra le 08 août 1924. Il faisait partie de la première délégation comprenant 6 jeunes en provenance d’Edéa. « Au séminaire il assuma, tour à tour, beaucoup de responsabilités : sacristain, infirmier, intendant, bibliothécaire, chambriste de Monseigneur… ».28

Au séminaire, il se montrait indispensable et transcendait toutes les barrières pour aller à la rencontre des autres quelles que soient leurs origines, leurs différences. Il était le protecteur des plus jeunes séminaristes. Il était apprécié de tous et ne manquait pas de jouer le rôle de conciliateur dans les conflits qui se manifestaient au sein de la communauté séminariste. Il s’occupait du catéchisme des plus jeunes qui ne comprennaient pas le français et la traduction des livres de prière en bassa lui fut confiée. De 1927 à 193029 il fit des études en philosophie, années au cours desquelles il se démarqua des autres par ses bons résultats. Le 19 mars 1928, Simon Mpeke était parmi les onze séminaristes qui prirent la soutane. De 1931 à 1935, il fit quatre ans de théologie. Le 3 mai 1934 et le 3 octobre de la même année, Simon reçut respectivement les premiers ordres mineurs et les derniers ordres mineurs. Et le 22 avril 1935, il fut ordonné sous diacre avec sept autres de ses confrères à Yaoundé par Monseigneur Vogt pour être ordonné diacre le 10 octobre 1935.30 Finalement le 8 décembre 1935, Simon fut ordonné prêtre avec ses sept confrères. C’est une date importante qui marqua l’histoire du Cameroun car le pays enregistrait ses premiers prêtres locaux31.

Aux lendemains de son ordination sacerdotale, le jeune prêtre exerça les premières années de son ministère à Ngovayang où il laissa le souvenir d’un prêtre très zélé qui se dépensait sans compter. En 1936, il fut nommé vicaire de cette paroisse.32 En 1947 il partit de Ngovayang pour la paroisse de New Bell où il fut nommé curé.33 Ce quartier populaire où sévit le désordre des émigrés de tous les horizons était le siège de l’UPC, parti nationaliste camerounais. Nous ne savons pas comment Simon échappa aux troubles que connut le quartier New Bell à partir de 1955.34 Tout ce que nous savons c’est qu’il ne s’inquièta de rien et qu’il entretint de bonnes relations avec des personnages de la scène politique camerounaise telles que Douala Manga Bell, Paul Soppo Priso. Il y accomplit un travail remarquable en construisant deux grandes écoles, un presbytère, l’église et les paroisses annexes et surtout en rassemblant les différentes tribus de New Bell.

Infatigable, Simon va développer peu à peu sa paroisse. Ce qui compte le plus, c’est la connaissance de ses ouailles. Il multiplie les visites régulières dans les familles et organise de rencontres de tous genres. Il crée des postes de catéchiste dans tous les quartiers et les visite régulièrement tant en ville qu’en brousse, à pied ou parfois à vélo.35

Il fit preuve d’un dynamisme qui se matérialisa par la création des mouvements d’action catholique. Aimé de tous, il fut proposé avec deux autres au poste d’auxiliaire de son évêque Monseigneur Bonneau qui souhaitait initier un épiscopat autochtone. Beaucoup pensait que c’est Simon qui serait choisi. Finalement, le 21 novembre 1955, le choix du Pape fut porté sur Thomas Mongo.36 C’est en effet dans ce cadre que se peaufinait son projet d’aller à la rencontre des populations du Nord Cameroun et de leur enseigner l’évangile.

CHAPITRE II : VIE MISSIONNAIRE DE SIMON MPEKE

Nous voulons aborder dans ce chapitre le vécu concret de Simon Mpeke. Nous avons choisi de nous limiter à quelques aspects essentiels à savoir les raisons qui l’ont amené à aller à la rencontre des populations dites kirdies du Nord Cameroun, son passage à Mayo-Ouldeme et son installation à Tokombéré. Nous allons insister sur le dialogue inter religieux, démarche entreprise par ce missionnaire pour être reçu dans ce coin du pays hostile aux étrangers.

DEPART DE SIMON MPEKE POUR LE NORD-CAMEROUN

Plusieurs raisons fondamentales ont éveillé et façonné ce désir d’aller vers les populations païennes du Nord- Cameroun.


Motivation du départ en mission

Lorsqu’en 1955 Thomas Mongo fut choisi pour soutenir Monseigneur Bonneau25 dans son travail, dans le même journal qui mentionnait cette nomination, l’effort camerounais du 18 au 24 décembre37 paraissait un article intitulé « Les kirdis païens du Nord », Simon MPEKE a déjà réfléchi sur un éventuel exode au Nord Cameroun. Aussi faut-il noter que c’était la lecture d’un article élogieux sur les populations « païennes » écrit en 1954 par un administrateur colonial, probablement Bertrand Lembezat qui excita sa curiosité

« C’est la lecture d’un rapport officiel d’un administrateur français fixé à Maroua. Il décrivait les populations kirdies avec admiration, relevant leur droiture, leur monogamie quasi constante. Je me suis dit que ces hommes étaient prêts à recevoir la Bonne Nouvelle »26

Il faut noter que, le Nord Cameroun connu très tardivement l’évangile par rapport au Sud du pays. Ce n’est qu’en mai 1932 que Mgr Paul Bonque, préfet apostolique de Nkongsamba, accompagné d’un de ses prêtres, le père Bernard, se rendit au Nord Cameroun pour reconnaître ce territoire. 38En 1935 également le père Sourie partit au Nord Cameroun à la recherche de points d’implantation de l’Eglise.39Le Nord ne connut l’implantation de l’Eglise qu’à partir de 1936 grâce aux pères Sourie et De Paoli, qui s’installèrent à Yagoua jusqu’en 1941.40Mais, il fallait attendre 1946 pour voir la situation du Nord Cameroun évoluer, avec l’installation des missionnaires de la congrégation de Oblats de Marie- Immaculée.41

A la fin de la deuxième guerre mondiale, alors que le rapport de tous les administrateurs coloniaux certifiaient que le Nord Cameroun était fortement islamisé, le passage des aumôniers français en l’occurrence la compagnie de Jésus, dans cette région du Nord permit de constater qu’il y avait là une population non musulmane. Ceci pouvait être un terrain fertile au catholicisme. Rome envoya donc sur le lieu le RP Prouvost.42 Ce dernier confirma le constat fait par les aumôniers militaires français, selon lequel la majorité de la population était animiste. La mission Tchad Cameroun était décidée. Une délégation de 14 prêtres Oblats de Marie Immaculé conduite par Yves Plumey débarqua à Fort-Lamy le 16 août 1946 et sillonnait aussi le Nord Cameroun. Yves Plumey lança un appel aux missionnaires pour le soutenir. Plus de 190 prêtres en majorité les Oblats de Marie Immaculée répondirent à son appel.

Tout cela rejoignit un souci que Simon nourrissait depuis fort longtemps. Simon Mpeke se sentit particulièrement touché par l’appel de Monseigneur Etoga, premier évêque camerounais, qui exhortait les chrétiens du Sud Cameroun à penser à leurs frères moins favorisés du Nord. Il en va de même pour l’appel lancé par le Père Alexis Atangana premier missionnaire camerounais au Nord Cameroun ordonné le 8 décembre 1957 à Garoua, qui interpellait les uns et les autres à penser aux frères du Nord Cameroun qui ne connaissaient pas encore le christianisme. « Il n’appartient pas à l’Europe seule d’asseoir l Eglise dans le pays des infidèles.27

En 1954 alors qu’il était curé de New-Bell, Simon Mpéké exposa à Mgr Bonneau son désir d’aller au Nord. Mais l’évêque lui demanda de patienter. Avec l’accord de son évêque et le soutien financier de ses paroissiens il partit vivre pendant quelques mois à El-Abiodh en Algérie.43 C’est dans ce climat que se développa sa vie de pauvreté, de simplicité et de charité. Avec patience et avec l’accord de ses supérieurs hiérarchiques, Simon Mpeke se rapprocha d’avantages des Petits Frères. Le 29 janvier 195644 il prononça ses premiers vœux. L’on réalise que la spiritualité de Charles de Foucauld fut l’un des éléments important dans l’éveil de la vocation missionnaire de Simon Mpeke. Quand il revint de sa retraite en Algérie, il avait toujours ce désir d’aller au Nord et il en parla encore à son Evêque. Ce dernier se rendit pour la première fois en 1970 au Nord Cameroun, à Mayo-Ouldémé où Les Petits frères de Jésus vivaient au milieu des populations Kirdis depuis 1950.45 A son retour il vint voir Simon Mpeke et lui dit : « Si j’étais jeune, je demanderais à y aller, mais maintenant c’est trop tard. Mois je ne puis juger ton cas pour aller réellement au Nord ou rester ici ».46

L’évêque confia donc cette affaire à son auxiliaire Thomas Mongo. En 1957, Monseigneur Bonneau mourut et c’est avec Thomas Mongo que Simon devait discuter de son projet. Quand Simon Mpeke, qui était toujours animé par ce désir d’aller dans la partie septentrionale du Cameroun, vint voir Monseigneur Mongo, celui-ci lui dit :

Tu demandes toujours à aller au Nord Cameroun ? Je ne te permets pas d'y aller, mon ami : c'est moi qui t'y envoie. Si on te demande pourquoi tu es venu ici, tu dois dire que c'est Monseigneur MONGO qui t'a envoyé, parce qu'il pense que notre Christianisme, au Cameroun, ne sera solide que lorsqu'il reposera sur les deux pieds : Le Sud et le Nord ; Pour l’Eglise du Nord c'est l'Eglise Sud. Pour moi c'est une Mission que je commence là. Je t'aiderai comme je pourrai.47

Dès cet instant, Simon Mpeke se battit pour atteindre son objectif. Il obtient gain de cause en 1959 et pouvait partir avec la bénédiction de son Evêque.

En route pour le Nord Cameroun

Simon Mpeke fut préoccupé par l’organisation de son départ pour le Nord. Il dit au revoir à Mme De La Taille qu’il appelait également marraine.48 Il alla passer quelques temps avec les siens et trouva un compagnon, son cousin Pascal Loé Bikokota qui chemina avec lui jusqu’au Nord. Le 3 février 195949 Simon Mpeke s’envola pour Garoua où il fut accueilli par Monseigneur Yves Plumey, fondateur de la Mission Tchad-Cameroun qui lui recommanda de s’installer à Mayo-Ouldémé où se trouvait déjà une communauté des Frères de Jésus en attendant de trouver un endroit favorable pour fonder un nouveau poste missionnaire.

Séjour à Mayo-Ouldémé

Accueilli par le frère Jacques Legrand, responsable de la communauté des Frères de Jésus.50 Il prit vite connaissance du terrain en prenant contact avec les tribus Ouldémé et Mada. Le plus dur restait à faire pour Simon Mpeke, à savoir sympathiser avec les populations largement analphabètes et fortement attachées à leur culture. Sa stratégie consistait à multiplier ses visites dans les divers villages.

Avec le frère Jacques Legrand, je parcourus tous les marchés. Il me dit qu’il y’avait beaucoup de tribus ici, mais qu’il y’en avait une spécialement qui était très ouverte et que c’est là que je dois travailler. Il me conseilla alors de prendre les Madas et par eux l’on pourra peut-être atteindre les autres.51

Contrairement à bon nombre de missionnaires il pensait que la mission devait avoir pour fondément une demande du peuple avant d’être une proposition du missionnaire52. A partir de Mayo-Oludémé il sillonnait les villages environnants, mangeant, dormant chez les Kirdis et célébrant la messe au matin. Le frère Jacques qui souhaitait se consacrer aux Ouldémé lui confia l’évangélisation des Madas. Aidé dans son travail par un jeune Guiziga Adamou,53 il explorait le milieu. Il prenait soin de recenser tous les villages qu’il avait l’occasion de visiter et tâchait d’y avoir des amis. Quatre ans après son arrivée il en comptait une douzaine. Pour rencontrer le plus de monde possible, il se déplaçait surtout les jours du marché de chaque village. Assis à l’ombre d’un arbre, sa présence attirait vers lui les enfants et il tentait alors tant bien que mal d’engager la conversation avec ces derniers.

Très tôt, les divergences naquirent entre Baba Simon et ses hôtes de Mayo-Ouldémé, ceux-ci lui reprochaient de précipiter le changement de mentalité des jeunes Kirdis. Cependant, ils convinrent de se séparer. Baba Simon s’en alla s’installer alors dans un village mada, Tala-Laki, tout près de Tokombéré. Ce territoire était sous l’influence du chef Kavaye qui se montra tout de suite inhospitalier. En tant que musulman, il ne pouvait tolérer la présence dans son territoire d’une personne qui prêche l’évangile. Kavaye voyait en lui un imposteur venu soustraire à son influence ses sujets. Les boukarous que Baba Simon construisit à Tala-Laki et qui servaient d’école furent détruits à maintes reprises par les envoyés de ce chef réfractaire à tout changement.54 C’est dans ce contexte de tension que Maggi55 lui demanda de le rejoindre à Tokombéré. C’est en 1959 qu’il s’y installa avec l’assentiment de Monseigneur Yves Plumey de passage à Tokombéré.

INSTALLATION DE BABA SIMON A TOKOMBERE

L’implantation de Baba Simon à Tokombéré fut l’aboutissement d’un long processus qui va de la rencontre avec G. Maggi jusqu’au rachat des locaux du poste agricole de Tokombéré avec l’agrandissement de la future mission suite aux négociations avec Tikirey.

Au début de son installation à Tala-Laki, Baba Simon avec le Dr Maggi, parcouraient les villages et les marchés pour nouer des contacts avec la population autochtone.. C’est à l’occasion de ces promenades que le Dr Maggi découvrit le mayo de Tokombéré et deux cases qui avaient appartenus à un expatrié d’origine européenne. Il partit à la sous- préfecture de laquelle relevait actuellement la responsabilité des deux boukarous et demanda à les acheter. Ces cases lui serviraient de dispensaire et d’habitat. La vente fut conclue et Dr Maggi s’installa à cet endroit. Il y fut rejoint par la suite par Baba Simon, après accord de Mgr Yves Plumey.

Contexte socio-politique de Tokombéré à l’arrivée de Simon Mpeke

Il convient de rappeler, dans cette partie, que les montagnards du Nord Cameroun, qui étaient sous la domination des peulh et des colonisateurs, manifestaient ostensiblement leur individualisme et leur rejet de toute forme de soumission autre que celle qu’ils s’imposaient eux-mêmes.

Les premiers musulmans que les kirdis de Tokombéré connurent avant la colonisation européenne furent les Kanouri, venus pour la plupart du Bornou et du Baguirmi, et qui étaient à la recherche des esclaves57. Plus tard, les Mandara et les Peuls succédèrent aux Bornouans sus-cités. Ils s’adonnèrent au razzia pour capturer femmes et enfants.

Par contre, les Allemands se retrouvèrent dans la région de Tokombéré du fait de la colonisation du Cameroun par leur pays. Les Allemands s’intéressaient très peu aux populations kirdies en général. Leurs rares incursions dans les montagnes n’intervenaient que quand il fallait réquisitionner les populations pour les travaux publics ou recouvrir les impôts58. La France qui succède à l’Allemagne trouve une situation complexe dans le Nord Cameroun.. En choisissant de s’isoler dans les sites refuges et de vivre de ce fait dans des conditions extrêmement difficiles, les montagnards opposèrent une résistance farouche à ces étrangers. Cette résistance se manifesta à travers des actes d’hostilité permanents contre lesquels les Européens opposèrent successivement des actes de violence, puis des mesures pacifiques59. Toutefois, ces incursions étrangères n’enlevèrent rien aux désirs des populations kirdies de vivre en autarcie tant et si bien qu’à l’arrivée du catholicisme, elles restaient, dans leur majorité, fermées à toute innovation.

Connu aussi sous le nom de Kudumbar qui signifie en langue Zoulgo «  le champ de bataille » ou « le lieu de combat », Tokombéré est un arrondissement situé dans la province de l’Extrême-Nord, plus précisément dans le département de Mayo-Sava. Vaste plaine entourée de montagnes, c’est là que les différentes ethnies peuplant les montagnes descendaient combattre lorsqu’un conflit les opposait. Les montagnes délimitent les territoires des différentes tribus. Sur chaque massif est établi une ethnie dont les principales sont les Zoulgo, Mada, Guemjek et Ouldémé à l’Ouest, les Mouyang au Nord et les Moloko et Mboko au Sud. Toutes ces ethnies vivaient en autarcie.

S’agissant des relations ethniques, elles étaient ambivalentes, tensions et alliances alternaient. Quand Baba Simon arrivait à Tokombéré en 1959, il n’y avait ni chef de canton ni chef traditionnel. Tokombéré était alors un hameau de deux ou trois cases et connaissait une insécurité de taille comme le souligne Cador. « L’actuelle sous-préfecture de Tokombéré n’était alors qu’une brousse qu’on traversait avec beaucoup de précautions et jamais seul, de peur d’y perdre la vie ou de s’y faire détrousser ».60Cette situation d’insécurité ne permettait pas aux kirdis de descendre de leurs montagnes, car le foulbé et les mandara considéraient chaque descente de kirdi dans la plaine comme une possibilité d’accroître leurs sujets. Avec le concours et la réaction des autorités françaises face aux attitudes intimidantes des foulbés et mandaras, ils commençaient à descendre en plaine. Quand Baba Simon arrive donc, avec sa stratégie d’approche, les kirdi commençait comprendre qu’ils n’avaient rien à redouter de la plaine.

Cependant, l’atmosphère régionale de conflit interethnique quasi-permanent, le commerce des esclaves qu’entretenaient encore les « collectivités peulh » ainsi que l’insécurité persistante ne disposaient pas totalement les montagnards à se départir de la méfiance qu’ils avaient à l’égard des étrangers. C’est pourtant dans ce contexte que Baba Simon devait amorcer son œuvre apostolique.


Influence du milieu social

Baba Simon affronta les difficultés quand il s’installa à Tokombéré. C’est avec méfiance qu’on regardait le nouveau venu qui prétendait prêcher la religion chrétienne. Les Kirdis eux-mêmes éprouvent une certaine méfiance envers ce prêtre venu du Sud qui, pensent-ils, est venu arracher les enfants pour les vendre aux Blancs ou les détourner de la foi de leurs ancêtres.61Il comprit donc qu’avec les Kirdis, il fallait être patient, prendre du temps pour mieux s’imprégner des cultures locales.

Il fallait faire bien attention pour ne pas bousculer et compliquer la situation. A cette époque, dans ces régions, il était indispensable de se montrer patient, tolérant, ouvert malgré les abus et les déviations de certains.62

Malgré tous ces obstacles, Baba Simon était décidé à aller jusqu’au bout de sa mission. Une fois installé aux côtés de Maggi, il fit venir auprès de lui d’autres missionnaires entre autres : Vincent Quartenoud, Benoît Paglan, Georges Mas, Jean Marc Ela, et finalement l’abbé Christian Aurenche, mais aussi les sœurs servantes de Marie venues de Douala.63 Il usait de toutes les ruses pour s’attirer les sympathies des kirdis.

Par ailleurs, Baba Simon, bien que prêchant la doctrine du christianisme, n’allait pas s’opposer ni rejeter les adeptes des autres croyances religieuses.


Baba Simon, pesanteur culturel et islam

A son installation à Tokombéré, il trouva sur place d’autres confessions religieuses dont la religion traditionnelle, la religion musulmane, le protestantisme… Quelle relation entretint-il avec elles ?

Né dans la culture Mpoo, Baba Simon était radicalement opposé à certaines pratiques qui marquaient les coutumes et les traditions de son milieu et qu’il considérait comme abominables. Pour lui, la dot était source de péché et facteur de trouble dans les foyers. Il y était opposé. Aussi était-il hostile à certaines danses. Il percevait le son des tamtams et des tambours comme des pratiques sataniques et n’hésitait pas à les casser. Il avait donc une conception négative de la tradition et de certaines coutumes endogènes.

Quand Baba Simon découvrit les traditions et les coutumes kirdies, il fut émerveillé et leur voua un profond respect64. On notait alors une évolution de sa pensée qui passa de l’hostilité à l’admiration et finalement à l’intégration. Ce changement était dû au fait qu’il se rendait compte que les montagnards connaissaient déjà Dieu. Il disait qu’il avait trouvé les Kirdis aussi croyants que les Juifs et profondément convaincus. C’est ce constat qu’il fit auprès d’un vieil homme à qui il demandait qui est Dieu pour lui et s’il croyait qu’Il est le créateur. Et le vieillard de répondre que Dieu est Dieu et, quant à savoir s’Il est le créateur, on ne saurait s’en faire des doutes, car les hommes ne se ressembleraient pas beaucoup s’ils n’avaient pas une cause commune65. Il avait du respect pour les prêtres du culte traditionnel.

En outre, Baba Simon était convaincu que l’Evangile ne pouvait être accueilli qu’en prenant en compte les cultures locales, des coutumes des kirdis. Il s’engagea donc à écouter ces montagnards et à s’intéresser à leurs pratiques religieuses. Il rendait régulièrement visite aux grands prêtres notamment N’Glissa. Il était reçu dans leurs sarés « comme un homme de Dieu qui vient d’ailleurs, comme le priant d’une autre tradition religieuse ».66Il assistait à leur sacrifice et se montrait humble face aux grands prêtres. Il constatait aussi que chez les Kirdis comme le rapporte si bien J-B. Baskouda :

Dieu n’est pas le Père lointain de tous les hommes mais mon Père à moi. Ils ne disent pas Dieu m’a engendré mais plutôt Dieu Père. Un Père qui a plusieurs enfants et que chacun peut invoquer comme le sien c’est quelque chose de formidable.67

Cette approche des Kirdis par Baba Simon, approche qui consistait à juger leur pratique religieuse digne d’éloge, s’avérait être une stratégie d’évangélisation s’apparentant à une politique un peu clientéliste.

Tout cela lui permit de se rapprocher davantage des prêtres traditionnels avec lesquels ils allait tisser des liens d’amitié. Baba Simon participait aux cérémonies de deuil, aux célébrations et aux fêtes de la religion traditionnelle. Il constatait que les Kirdis faisait une nette différence entre la fête de Dieu et celle des ancêtres. Il disait à cet effet : « Les Kirdis ont des fêtes uniquement pour Dieu, sans y mêler le culte des ancêtres. C’est le Ozom ga jigla, c’est-à-dire la fête du vin de Dieu». 68

Avec leur originalité et leur particularité, christianisme et religion traditionnelle allait dialoguer. Et de ce dialogue allait naître une collaboration, une entente, une amitié, une fraternité et un respect mutuel. Pour reprendre Grégoire Cador : « Le respect de la foi ancestrale de son interlocuteur s’enracine bien, chez Baba Simon, dans un regard positif sur l’autre, sur ce qu’il vit, sur ce qu’il croit ».69 Mais sa relation avec les musulmans se vivait plutôt sur fond de dissension alors qu’il s’entendait assez bien aussi avec les protestants.

A son arrivée à Tokombéré en 1959, les protestants avaient déjà fait plus d’une décennie sur place. Installé dans les années 1920, les premiers se mettaient en place avec l’Eglise Fraternelle Lutherienne.. Habitué depuis le Sud Cameroun à vivre avec les protestants, Baba Simon, convaincu qu’ils faisait le même travail, établit de bonnes relations avec ces derniers.

Avec l’islam, le fond différent des deux doctrines, christianisme et islam, constitua une source de dissension entre Baba Simon et certains élites musulmanes. Ces derniers ne voyaient pas d’un bon œil les idées de liberté, d’égalité et de justice que Baba Simon véhiculait à travers le christianisme pour la réhabilitation des Kirdi. Ils étaient contre l’implantation des écoles et le projet d’instruction que Baba Simon prévoyait pour les Kirdis, parce qu’ils ne voulaient pas que ceux-ci s’émancipent et se révoltent un jour70.

Mais il faut noter qu’au-delà de ces relations sulfureuses avec certaines élites musulmanes, Baba Simon fut toujours amical et fraternel envers tous. Il rendait visite aux musulmans à l’occasion des fêtes de Ramadan et du mouton. Il côtoyait aussi bien les musulmans sympathiques que ceux qui étaient contre les Kirdis et fit tout pour éviter les conflits. Talba de Tokombéré, Kavaye de Kolkoch, Zaké Madan de Séraoua étaient ceux auxquels il témoignait beaucoup de respect et d’amitié. L’un de ses meilleurs amis musulmans avec qu il entretenait de bonnes relations fut Tikirey, le chef de canton de Makalingay.

Du côté des musulmans, reconnaissait-il, nous sommes bien tombés avec le chef Tikirey, un homme extraordinairement franc et sage. Avec lui, non seulement nous n’avons jamais eu de palabre, mais nous avons toujours eu de bons rapports qui se sont approfondis jusqu’à notre vieillesse.71

Tikirey rapporte pour sa part que la fraternité et la magnanimité dont Baba Simon faisait montre à son égard transcendaient les différences de religion qui existaient entre eux.

En revanche, Baba Simon conquit également la sympathie des enfants et de plusieurs notables musulmans. Cependant, la majorité des musulmans défendaient à leurs enfants d’aller chez Baba Simon. Mais comme l’écrit Baskouda «  les enfants n’ont pour nation que le monde et pour race que l’homme. Ils n’ont point de soupçon, point de politique, point de frontière ou de parti » 72

Loin de combattre les autres religions, Baba Simon allait dialoguer avec elles. Il se voulait être un trait d’union entre toutes ces religions et allait leur manifester une sincère amitié, et leur apprendre qu’il pouvait exister une affection profonde entre des êtres qui ne sont ni de la même appartenance religieuse ni du même milieu. Dès la première moitié des années 1960,il avait déjà fait un pas significatif dont les œuvres allaient complètement bouleverser la vie des montagnards de Tokombéré.

 

CHAPITRE III : ACTIONS SOCIOCULTURELLES ET

ENGAGEMENT POLITIQUE DE BABA SIMON

Baba s’est attelé à encourager l’établissement de bons rapports entre chrétiens et musulmans. Il avait compris qu’au-delà de l’annonce de l’Evangile, il était important de prêcher l’amour, la solidarité et l’intégration différentielle. Il est question dans ce chapitre de ressortir l’œuvre de Baba Simon au double plan social et culturel et de montrer son engagement politique pour l’émancipation des peuples.

ACTIONS SOCIOCULTURELLES

Baba Simon engagea son action socioculturelle sur plusieurs fronts dont les plus importants étaient : la réhabilitation sociale du Kirdi, l’évangélisation, l’éducation et la santé.

Combat pour la réhabilitation sociale des Kirdis

La première préoccupation de Baba Simon fut de restaurer aux Kirdis leur dignité bafouée. Il avait compris que si l’élément islamo-peul l’avait dominé c’est bien parce qu’il lui avait fait croire qu’il n’était pas émancipé. En faisant ses tournées pastorales dans les villages, Baba Simon rencontra un jeune garçon très sale à qui il demanda pourquoi il était dans cet état. Le jeune garçon lui répondit : « mais Baba, c’est parce que je suis Kirdi »73. Il entra dans une colère noire et somma les parents de l’enfant de lui administrer un bain. Ce constat lui donna alors la mesure de la gravité de la situation de pauvreté et d’aliénation morale dans laquelle les Kirdi se trouvaient. Ce qui le poussa à mener un combat dans lequel il concilia christianisme et éducation. Pour lui, leur apprendre l’hygiène, c’était aussi le christianisme.

Il ne ménagea ainsi aucun effort pour aider les Kirdis à sortir de la misère qu’il considérait comme un handicap à l’épanouissement de l’Homme. Dans ses multiples voyages qu’il effectua un peu partout, il chercha des bienfaiteurs. Quand il était de passage au Sud Cameroun, il disait des messes dont les quêtes servaient à subvenir aux besoins des Kirdis. Avec l’appui du docteur Maggi, Baba Simon réussit à avoir des aides venant d’Europe. Non seulement ils recevaient de l’argent mais aussi des dons en médicaments et autres matériels d’équipement pour l’hôpital étaient envoyés et cela permettaient de soigner les populations de Tokombéré. Baba Simon incitait les paysans à réfléchir sur les moyens de mieux produire et de bien gérer leur production. Avec Jean Marc Ela, il réunit à Bijeskawé non loin de Tokombéré des paysans, dans le cadre d’un programme de développement agricole initié avec l’aide du Centre International de Développement Rural (C.I.D.R).74 Sortir les Kirdis de la misère n’était pas la seule préoccupation de Baba Simon d’autant que cette misère n’était pas le seul obstacle à la promotion du Kirdi.

Certains chefs de canton, d’obédience musulmane n’étaient pas contents des entreprises d’émancipation des kirdis. Baba Simon voulait donc redonner confiance à ces derniers en leur montrant qu’ils sont intelligents et qu’ils peuvaient aussi participer à la direction de leur pays au même titre que n’importe quel autre citoyen.75 Il mèna donc une lutte contre l’ignorance, la servitude et la peur.

En fait, dans l’imagination populaire, l’on pensait que ces actions des chefs de canton étaient inspirées et soutenues par le président de l’époque, Ahmadou Ahidjo, qui était alors un musulman. Or, à moins que cela n’était officieux, aucun texte réglementaire ne prévoyait des mesures de discrimination entre les citoyens, qu’ils soient chrétiens ou musulmans. Néanmoins, l’œuvre d’évangélisation de Baba Simon allait suivre son chemin.

Evangélisation et inculturation

A Mayo-Oudémé, à partir de 1959 avec l’aide des Frères, Baba Simon explorait chaque jour tous les villages. Partout où il allait, il était hébergé par les familles chrétiennes et, le matin il disait la messe dans leur concession. De Mayo-Ouldémé, il allait à Doulo, à Mora pour évangéliser. Suite aux divergences qui naquirent entre lui et les Petits Frères de Jésus, la congrégation des frères installés à Mayo-Ouldémé, il alla s’installer, d’abord à Tala-Laki, puis à Tokombéré. C’est là qu’il fonda la mission catholique de Tokombéré sur le terrain que Tikirey lui avait octroyé. Une fois installé, il fit venir d’autres missionnaires pour l’aider dans son travail76. Avec eux, il mit en place les structures de l’actuelle mission de Tokombéré qui comprenait une chapelle, des cases pour les sœurs et le presbytère. De là il continua à visiter les autochtones qui, peu à peu, descendaient de la montagne pour s’installer tout autour de la mission. Dans ses visites, il prenaient contact avec les gens des villages riverains. Il forma des catéchistes qui, petit à petit, apprirent l’Evangile pour ensuite l’enseigner aux autres.

J’ai commencé par l’Evangile. Les catéchistes venaient tous les samedis, on lisait l’Evangile du dimanche, puisqu’ils devaient prêcher le dimanche. Ainsi on les formait à répéter l’Evangile. L’Evangile était la base de notre catéchèse.77 .

Pour garder le contact avec les communautés chrétiennes, il organisait des tournées pastorales de deux à trois jours, parcourant les villages avec le constant souci de porter l’Evangile là où il n’a pas encore atteint les cœurs. Le soir, à l’heure où les paysans, après une journée de dur labeur, se rassemblaient autour du feu de bois ou au clair de la lune, Baba Simon venait prendre place au milieu d’eux pour leur parler de Jésus Christ. Il restait deux à trois semaines dans ces villages éloignés, ne se limitant pas seulement à l’enseignement des adultes, mais également des jeunes78. Dans les écoles, les internats, il assurait l’éducation chrétienne des enfants. Marchant pieds nus comme les Kirdis d’alors, avec une soutane rarement neuve et surtout rapiécée, l’évangélisation chez lui primait sur l’amour de soi.

Mais au fond, n’y avait-il pas là, chez Baba Simon, une volonté implicite d’attirer les Kirdis à la foi chrétienne en se promenant pieds nus comme eux ? Cela peut être probable quand on sait qu’il faut souvent hurler avec les loups pour pouvoir les approcher. En ce sens, Baba Simon voulait créer une atmosphère de confiance pour faire passer le message évangélique.

En 1964, sa paroisse fit ses premiers baptêmes et, en 1965, le premier mariage religieux. « Baba Simon bénit le premier mariage à Tokombéré en 1965. c’était le mariage de Fanta, une mada, avec Guy Wahile, un mougnang. Evénement extraordinaire ! Personne dans la région n’avait encore assisté à une pareille cérémonie ».79

En outre, Baba Simon souhaitait aussi former les jeunes à la vie sacerdotale. En 1967, il envoya les premiers jeunes au petit séminaire de Ngaoundéré parmi lesquels Jean-Baptiste Baskouda. Mais son vœu ne fut pas réalisé, car aucun d’eux n’arriva jusqu’au bout. Il faudra attendre longtemps (15 ans) pour voir quelques jeunes garçons et filles s’engager sur cette voie.

Par ailleurs, Baba Simon adopta une lente démarche d’inculturation face à la société traditionnelle kirdie atypique avec ses cultes, ses danses traditionnelles, ses sacrifices, ses funérailles et ses grands prêtres de la montagne. Convaincu que l’inculturation était un domaine délicat qui nécessitait une sérieuse réflexion, il ne s’y aventura pas du coup, mais prit le temps de comprendre, d’observer avant d’engager des réformes dans le culte chrétien.

Pour Baba Simon, il est clair que l’inculturation n’est pas d’abord une affaire de rites, de geste ou de liturgie. Il s’agit bien de servir la fécondation d’une réalité culturelle donnée par la semence de la bonne nouvelle de Jésus. Il s’agit, ayant compris qu’en Jésus, Dieu parle à tous les hommes, de faire retentir sa parole au cœur de la vie des hommes, ici et aujourd’hui80.

Il se rendit compte qu’il devait abandonner sa longue expérience et se faire Kirdi. Au début, il adopta quelques gestes significatifs puisés dans la tradition et qui permettaient de mettre les chrétiens en contact avec Dieu. Le syncrétisme religion traditionnelle – christianisme ne se limitait pas pour lui aux rites, aux danses, sacrifices et chants. Il voulait que les gens vivent avec leur temps tout en sachant qu’il existe des choses qui ne changent pas. Encouragé par les réformes apportées par le deuxième concile œcuménique du Vatican, Baba Simon, au cours de ses célébrations eucharistiques, se servait des objets rituels traditionnels tels que la calebasse, le panier, l’autel de pierre, jarre de terre cuite...81 Il intégra par exemple la bière de mil dans les célébrations eucharistiques.

Lors d’une fête annuelle à Dieu le Très Haut à laquelle Baba Simon était invité à participer, toutes les familles avaient apporté de la bière de mil en abondance. Voyant cela, il a dit : je ne peux tout de même pas aller chercher encore le vin des Blancs ; il a fait venir pour la célébration les jarres de terre qui contenaient des litres de bière de mil.82

Il alla jusqu’à fixer une pierre sur l’église à l’intention des anciens comme une marque réelle de la présence de Dieu et de lien qui existe entre le sacrifice traditionnel et celui de Jésus. Mais il y a à noter que cette initiative de Baba Simon ne s’est pas fait avec l’aval de ses supérieurs hiérarchiques. En effet, les rites catholiques doivent tenir compte de l’universalité de l’Eglise et non pas être atypiques à chaque paroisse. La particularité de chaque culture ne devrait pas mettre en péril l’unité de l’Eglise. S’il y a un tort à imputer à Baba Simon, ce n’est pas d’avoir osé innover dans la célébration eucharistique, mais de l’avoir fait en marge de la communion qui unit l’Eglise. Baba Simon a anticipé la réforme dans la pratique cultuelle de l’Eglise catholique bien qu’il soit rejoint aujourd’hui par l’ensemble des chrétiens catholiques. Cependant, c’était pour Baba Simon une marque de respect pour la religion traditionnelle et une façon de montrer qu’il y avait une union entre le sacrifice de Jésus et le sacrifice traditionnel. Aussi faut-il mentionner que c’était une tentative d’intégration, des Kirdis au culte chrétien, pour qu’ils ne se sentent pas étrangers à tout, et acceptent facilement, ce culte étranger à la leur

En revanche, l’œuvre apostolique du missionnaire se manifesta autant dans le salut des âmes que dans le bien-être du corps qui est le support de l’âme. C’est pour cela que l’Eglise s’est toujours atteler à faire suivre l’évangélisation de la création des structures sanitaires et scolaires.

Création des institutions éducatives et sanitaires

La volonté de Baba Simon se manifesta tout particulièrement par son action inspirée par le souci de donner une vraie éducation aux petits Kirdi abandonnés à eux-mêmes. Comme l’écrit J. Y. Martin en 1914, après trente ans de présence allemande au Cameroun, il existait 634 83 écoles. Mais, dans tout le Grand Nord il n’y en avait qu’une seule, celle de Garoua ouverte en 1905. En 1932, dans l’arrondissement de Mora, une école fut ouverte pour scolariser toute la jeunesse de cette région84. Il fallait attendre 1948 pour que les premières écoles publiques soient ouvertes à Tokombéré85. Ces écoles n’était pas suffisantes pour couvrir toute la région. L’objectif du gouvernement colonial était de faire descendre les montagnards en plaine pour faciliter l’accès à ces écoles. A partir de 1916 jusqu’en 1939, les Kirdis des montagnes connurent la domination  des envahisseurs foulbé et celle des Français et Allemands.86 La méthode utilisée par les autorités françaises contre les indigènes qui refusaient de se soumettre, était la violence. Tout en pratiquant la violence comme moyen de soumission par excellence, les Français ne négligeaient pas les moyens pacifiques.  « L’objet poursuivi par ces mesures pacifiques, c’était de réussir à faire descendre dans la plaine ces Kirdis qui, dans leur montagne, étaient pratiquement inexpugnables ».87 Il s’agissait aussi, ainsi que le soutien Motazé Akam, de recruter de force une main d’œuvre gratuite à même de subvenir aux besoins de la culture du coton et de l’économie de marché.88

Longtemps avant l’arrivée de Baba Simon dans la région, le gouvernement colonial avait entrepris de faire descendre la population dans la plaine pour faciliter les tâches de l’administration dans les domaines scolaire, sanitaire et fiscal. On créa ainsi des zones d’agglomération dans la plaine ; on creusait un puits, on installait un école publique et on créait un marché[…] l’échec d’un tel système, qui prétendait arracher l’homme à son milieu naturel, à son histoire et à sa culture, était prévisible89.

L’école coloniale n’intéressait pas les populations kirdies et elles demeuraient vides. .Cette école qui cherchait à arracher les Kirdis à leur montagne pour leur enseigner des pratiques étrangères. Cette école qui les acculturait et qui les détournait de leurs villages, les Kirdis n’en voulaient pas90. C’est dans ce contexte qu’intervint Baba Simon avec son souci de scolariser les petits Kirdis.

A son arrivée, le plus dur restait à faire pour ce missionnaire venu du Sud, considéré comme le « Blanc noir ». Ce dernier entreprit de s’y prendre d’une autre manière. Il fréquentait les villages pour se familiariser avec les populations. Au lieu de demander aux enfants de venir vers lui, il choisit plutôt d’aller vers eux91. Il porta donc son école jusque dans les sarés pour alphabétiser les enfants sous les arbres. Ainsi, les parents avaient l’occasion d’assister à l’instruction de leurs enfants et de se rendre compte qu’elle n’était pas aussi pernicieuse qu’ils l’imaginaient. Pendant ces séances, les parents constataient que Baba Simon était différent des autres missionnaires avec ses méthodes. Tandis que les parents devenaient de plus en plus conciliants, les enfants étaient davantage intéressés. Lors de ses tournées dans les quartiers, il prenait avec lui des cadeaux tel le sucre, le chocolat, les habits… à l’intention des enfants92. Une fois le climat de confiance créé, il décida de créer une école, car aller de quartier en quartier ou de porte à porte nécessitait beaucoup d’énergie. Il construisit alors l’école Saint Joseph de Tokombéré en 1961 et la dirigea lui-même jusqu'à ce qu’il passe la direction aux sœurs Servantes de Marie. « Une sœur Servante de Marie dirige tout le secteur scolaire avec la collaboration œcuménique des sept maîtres dont trois catholiques, trois adventistes et un catéchumène de parents islamisés ».93

Aux jeunes écoliers, il ne cessait de répéter que « l’école est une clé pour la vie ». Il se battait pour que cette école marche bien et qu’elle ait les mêmes enseignements que les autres écoles du pays, car il ne voulait pas d’une école au rabais94.

J'ai fait l'impossible pour donner une instruction de base valable. Je n'ai pas ouvert un cours présenté à Tokombéré sans avoir demandé les compositions du Sud. Par exemple, pour faire passer les enfants de Tokombéré au C.E. 2, j'avais demandé les épreuves du C.E.2 des gars de la Mission d'Edéa. Pour faire passer les enfants au C.M.1, j'ai demandé les épreuves aux moniteurs de l'ancienne Mission de Monseigneur de Bernon. On m'avait dit que c'était une école forte. J'ai fait la même chose avec le C.M.2. J'ai fait tout cela parce que je ne voulais pas avoir à Tokombéré un cours qui ne soit pas de la force de toutes les écoles du Cameroun95.

En 196896, l’école Saint Joseph eut sa première promotion de certifiés. Certains se démarquèrent des autres candidats en occupant les premiers rangs dans tout le Margui Wandala97. Par la suite il eut l’autorisation d’ouvrir d’autres écoles notamment à Bzeskawé, Tindrimé et Baka. Pour accueillir tous ces enfants, il créa deux internats dont l’un pour les garçons et l’autre pour les filles et encouragea ces adolescents à s’ouvrir aux mouvements d’action catholique tels que la Jeunesse étudiante chrétienne (J.E.C.), les Xaveri, la Légion de Marie et bien d’autres mouvements. Après le CEPE, au moment où la nécessité se posa d’envoyer les meilleurs élèves qui voulaient continuer plus loin au niveau secondaire, des obstacles se posèrent. Certains chefs de canton et certains responsables de l’éducation s’opposèrent à cette initiative. Il semble que certains musulmans se trouvaient derrière cette opposition. En effet, ceux-ci craignaient que les études ne donnent l’occasion aux chrétiens de s’emparer du pouvoir politique. Les élèves de l’école Saint Joseph qui se présentèrent donc à l’entrée en sixième cette année-là connurent tous un échec absolu. Baba Simon ne supporta pas cet affront.98

Comment, s’indignait-il, un enfant comme Pauline Doumtchile, première du centre départemental du Margui Wandala à Mokolo, peut-elle louper son entrée en sixième ?[…] Comment une fille comme Mbourte, première de sa classe toute l’année et qui vient d’être première de l’arrondissement au CEPE, comment cette fille peut-elle louper son entrée en sixième ?99

Il sollicita donc l’appui financier de ses amis pour envoyer ses élèves ailleurs. Il se tourna vers le collège Mazenod de Ngaoundéré et le collège Sacré-cœur de Mbalmayo. Ainsi, de ce premier groupe envoyé dans les collèges suscités allait sortir l’élite intellectuelle de Tokombéré dont Jean-Baptiste Baskouda pour ne citer que celui-ci. Le domaine sanitaire n’a pas été négligé dans l’œuvre évangélisatrice de Baba Simon. Fondateur de l’actuel hôpital de Tokombéré, Dr Maggi avec l’aide de Baba Simon, étaient conscient de la nécessité d’être en santé.

Baba Simon parcourait régulièrement les villages, les montagnes pour sensibiliser les populations sur la nécessité d’être en santé100. Le Dr Maggi et Lui faisaient appel aux âmes bienveillantes pour quelques aides que ce soient. Les demoiselles de la congrégation de Jésus Réparateur de Lyon ( France), spécialisées dans le domaine de la santé, les rejoignirent pour donner un coup de main à l’hôpital. En 1958, lorsqu’une épidémie de variole attaqua la population de Tokombéré, Baba Simon était aux côtés des malades malgré l’interdiction du Dr Maggi.101. Il voulait être proche d’eux malgré le risque de contamination qu’il courait. Il transportait les malades de leur domicile à l’hôpital ou de l’hôpital à leurs sarés. Quand un cas grave se présentait, il se chargeait d’amener le malade au centre hospitalier départemental de Maroua102.

Baba Simon se battait pour l’amélioration de la santé toujours précaire dans cette région du Nord-Cameroun. Quand Christian Aurenche arriva à Tokombéré en 1975, Baba Simon, Dr Maggi et Jean Marc Ela avaient déjà fait un travail considérable, il trouva sur place un hôpital assez structuré. En plus de la médecine générale, il y avait le service pédiatrique et celui de traitement de la tuberculose et des autres maladies contagieuses. La lutte de Baba Simon s’analyse aussi par rapport à la politique.

II- ENGAGEMENT POLITIQUE DE BABA SIMON

L’engagement politique de Baba Simon ne s’analyse pas moins comme une contestation d’une politique partisane qu’un combat pour une politique humaniste et équitable et l’éveil d’une conscience politique « précoce ».

A - Contestation d’une politique partisane

Baba Simon était confronté aux vexations de certains hommes politiques. Comme nous l’avons souligné plus haut, l’ensemble de la région était sous influence de l’élite musulmane. Baba Simon s’était imposé en défenseur des pauvres et des petits et dénonçait l’arbitraire des chefs traditionnels qui, quelquefois, étaient partiaux dans les jugements qu’ils rendaient103.

Lors d’une visite que Jean Pasquier, Vicaire général du diocèse de Garoua, lui rendit en juin 1967, celui-ci lui fit part des accusations retenues contre lui. Il avait convaincu une fille nommée Fanta que convoitait le député Kamsouloum, de ne pas épouser ce dernier. La fille avait fini par épouser plutôt un maître d’école, Guy Wahilé104. En outre, on l’accusait également de monter les populations contre le gouvernement et ses lois. On l’accusait encore d’inciter les populations à rester dans leur nudité traditionnelle et d’obliger les filles, païennes ou musulmanes, qui étaient à sa charge de devenir chrétiennes. En réalité, il s’agissait là de l’expression voilée des craintes que suscitait au sein de la population musulmane la conversion des Kirdis à la foi chrétienne. Les instigateurs de cette accusation, certains chefs et quelques villageois, souhaitaient au fond le départ de Baba Simon. En réponse à ces accusations portées contre lui, Baba Simon écrit au préfet du Margui Wandala.

Nous n’empêchons nullement les filles de se marier avec les musulmans. Mais de même que des musulmans ne sauraient conseiller à une musulmane de se marier avec un chrétien, de même nous ne conseillons pas à une chrétienne de se marier avec quelqu’un professant une religion différente de la sienne.105

Baba Simon n’en resta pas là. Il continua sa lutte au plan national. Survint alors un incident majeur qui allait perturber sa mission.

Combat pour une politique humaniste et équitable

En 1970, Albert Ndongmo évêque de Kongsamba fut arrêté, soupçonné d’être de mèche avec le parti nationaliste anticolonial l’Union des Populations du Cameroun (UPC). Cette arrestation entraîna une tension entre le gouvernement et l’Eglise. L’événement suscita une réaction violente des musulmans contre les chrétiens du Nord-Cameroun qui étaient accusés de vouloir renverser le régime au pouvoir. Des chapelles furent incendiées, des catéchistes molestés et emprisonnés106. En réaction à ces différentes attaques, les évêques du Nord-Cameroun tinrent un conseil pour rédiger une lettre au chef de l’Etat et protester contre ces persécutions. Mais il n’y eut aucune réaction de la part de ce dernier et les attaques persistèrent. Baba Simon fut donc envoyé pour remettre directement la lettre au Président de la République au début de l’année 1971.107 Ne pouvant rencontrer le Président, il arriva au moins à faire parvenir le message auprès de quelques membres du gouvernement. L’une des lettres arrive jusqu’à Fochivé, directeur des Renseignements Généraux. Celui-ci fit arrêter Baba Simon qui, après un séjour à Yaoundé, était à Edéa. Il fut ramené à Douala, puis transféré à Yaoundé où il subit un interrogatoire. Mit en résidence surveillée, grâce à l’intervention de Monseigneur Zoa archevêque de Yaoundé, il passa ainsi un mois à la cathédrale de Yaoundé sous la responsabilité de l’archevêque sans sortir librement et vaquer à ses occupations. Avec l’appui de ses amis, il quitta Yaoundé pour Tokombéré. Mais cet incident ne devait pas l’empêcher de dénoncer les attitudes intimidantes de certaines élites musulmanes. Ce qui n’améliora guère ses relations avec les autorités administratives.108 Mais il n’en resta pas là, son soutien aux hommes politiques kirdis était peu voilé.

Eveil d’une conscience politique « précoce »

Apres la colonisation française, la gestion du territoire kirdi fut confiée à certains auxiliaires musulmans qui se trouvaient à Makalingay (12km de Tokombéré), à Warba (environ 20km de Tokombéré), et Sérawa (9km de Tokombéré). Ces auxiliaires musulmans choisirent à leur tour des locaux. Dans la tribu Mada Zaké Dagwa qui était à Bala (à environ 10km de Tokombéré) fut choisi. Ses attributions étaient entre autres d’appliquer les directives de la hiérarchie, rendre justice et lever l’impôt de capitation. Bien d’autres locaux prirent la relève notamment Kavaye qui fut intronisé en 1948 comme chef de canton109. C’était un événement nouveau, pour la première fois un kirdi prenait les rennes du pouvoir au même titre que les musulmans. D’autres chefs kirdis furent intronisés plutard. Mais tout cela ne satisfit pas les kirdis parce qu’ils voulaient participer à une meilleure gestion de leur territoire.

En effet, certaines élites musulmanes étaient opposées à l’émergence des kirdis tant à la tête des chefferies traditionnelles qu’à la représentation législative nationale et municipale. Quelques « esprits illuminés » ayant fait l’école coloniale réclamèrent le poste de conseillers municipaux au niveau de l’arrondissement de Mora.110 Les élites musulmanes s’opposèrent catégoriquement en estimant que les kirdis étaient inaptes à la pratique de la politique. Baba Simon avait tôt fait de se ranger derrière les hommes politiques kirdis qui recherchaient les postes électifs. Il avait découvert que les kirdis devaient être représentés au sein de la jeune assemblée législative du pays. Quelques lettrés notamment Cavaye Yéguié Djibril, Abaga Mahshing Martin, Kaka et Abba Timokoché se réunirent pour riposter. Ils voulaient que les kirdis qui étaient numériquement les plus important soient des conseillers et soient représentés à l’assemblée fédérale.111

En revanche, la conquête de poste de conseillers municipaux et de la députation allait exiger d’âpres luttes encore de la part des populations kirdies. C’est ainsi qu’une commission fut formée pour aller adresser des doléances au Préfet du Margui-Wandala dans le sens d’une ouverture de la compétition électorale à toutes les composantes ethniques du département. Baba Simon effectua également ce déplacement jusqu’à Mokolo. La réponse du Préfet ne fut pas satisfaisante. C’est alors que celui qui était à la tête de cette commission, Kaka, entreprit d’écrire au Président de la République Ahmadou Ahidjo. Mais jugeant que le courrier avait peu de chance de parvenir au président par l’intermédiaire des autorités administratives, il expédia la lettre à une connaissance du Président d’origine française Alphonse Linda qui vivait en France112. L’enquête ouverte par le Préfet de Mora laissait présumer que le Président avait reçu la lettre. Cette enquête visait à savoir si à Mora il y’avait des kirdis aptes à participer à la vie politique de la nation. Ainsi , le Préfet du Margui-Wandala entreprit l’enquête et dut se rendre compte de l’aptitude des kirdis à pouvoir participer à la vie politique camerounaise. La candidature d’un kirdi en la personne de Abaga Mahshing fut retenue lors des législatives suivantes, et celui-ci fut député fédéral. Il devenait ainsi le tout premier député kirdi dans le Margui-Wandala.113

Baba Simon n’était certes pas au devant de la scène politique dans la région, mais il catalysa l’émergence des kirdis aux postes électifs dans le Margui-Wandala. Cependant, il ne put assister à l’éclosion de son œuvre. En effet il pressentait déjà le déclin de la force qui l’animait.

C’est dans ce climat, tant de charge que de tension, investi pendant quinze ans au service de l’Evangile qu’il sentit, à partir de 1974, son énergie le quitter. Comme un père, un patriarche, il tint à organiser la paroisse avant de s’en aller. Il commença par écrire une lettre de démission à Monseigneur Jacques De Bernon qui lui demandait en 1968, après la création de la Préfecture apostolique de Maroua-Mokolo, de faire partie du conseil épiscopal. Il décida également de se décharger de la direction de la mission catholique de Tokombéré. C’est finalement en janvier 1975 qu’il envoya une carte de vœux à l’évêque de Maroua-Mokolo et dans laquelle il posa sa démission en tant que conseiller diocésain.

Monseigneur,

Tous, nous vous souhaitons bonne et Sainte année en Notre Seigneur.

Pour moi, je crois vous enlever un souci en vous priant de me permettre de vous présenter ma démission comme conseiller diocésain. Loué soit Jésus-Christ.114

Pendant ce temps, il fit un tour au Sud-Cameroun et, quand il rentra à Tokombéré, il avait l’intention d’aller au pèlerinage de l’Année Sainte à Rome. Mais, c’est sans savoir que son état de santé allait s’aggraver. Ce qui fut le cas quelques temps après. L’évêque décida de l’envoyer en traitement en France et c’est le Père et médecin Christian Aurenche (qui allait prendre sa relève en 1975) qui l’accueilla. Il fut interné à l’Hôpital de la Pitié Salpetrière115. A partir de ce moment, il pressentait déjà sa mort prochaine. Il demanda à être ramené à Tokombéré, mais sa santé ne lui permit pas d’arriver à destination. Il passa un mois et demi à l’hôpital Laquintinie de Douala. Tombé dans le coma le 12 août 1975, il fut ramené au presbytère d’Edéa où il s’éteignit définitivement le 13 août en laissant derrière lui des orphelins pour lesquels il était et demeure le véritable père.

CONCLUSION GENERALE

Au terme de ce travail qui a porté sur Baba Simon et sa contribution dans l’évangélisation et la scolarisation des Kirdis de Tokombéré, l’on aura retenu le rôle joué par ce missionnaire dans la restauration de la dignité des Kirdis du Nord-Cameroun.

Né dans une famille « royale » qui n’était pas chrétienne, Baba Simon devait devenir prêtre. Il entra au séminaire. Ordonné prêtre le 8 décembre 1935, il fut animé par l’idée d’une mission au Nord Cameroun que plusieurs raisons avaient éveillé et influencé. Après une longue attente, il s’en fut pour le Nord Cameroun où il s’installa en 1959 à Tokombéré. C’est là qu’il commenca son combat axé sur trois fronts. D’abord, il redonna aux Kirdi leur dignité et la fierté d’être Kirdi. Jadis utilisé comme terme péjoratif et insultant, employé pour dégrader toute une population, aujourd’hui, le mot Kirdi est valorisé et conceptualisé. Ensuite, en imitant le Christ, il se donna corps et âme pour évangéliser les populations réfractaires à tout changement et ancrées dans leurs traditions et coutumes. Il choisit de ce fait de cohabiter avec d’autres forces religieuses en place. A travers une politique, faisant de l’inculturation une priorité, il pénètra la conscience des Kirdis. Le résultat de cet apostolat se manifesta avec les premiers baptêmes en 1964 et le premier mariage en 1965 et surtout la formation d’une communauté chrétienne. Enfin, l’instruction et la santé étaient les points les plus importants de son travail. Baba Simon ne fut pas la première personne à apporter l’école aux Kirdis. Cependant, il fut celui qui sut attirer ces derniers et les pousser à s’y intéresser. Grâce à son œuvre de scolarisation qui a été poursuivie par son successeur Christian Aurenche et plutard Grégoire Cador, Tokombéré analphabète hier est aujourd’hui ouvert au reste du monde. Les héritiers de Baba Simon formés dans des écoles ouvertes par l’Eglise participent au développement de leur région et de leur pays. Pour ce qui est de la santé, la situation sanitaire globalement déplorable dans cette région avec des mortalités considérables, est améliorée grâce à la mise en place d’un complexe de santé.

Dans l’ensemble, force est de dégager les aspects négatifs de la présence de ce missionnaire aux pieds nus à Tokombéré. Il faut reconnaître que le processus d’évangélisation a entraîné l’acculturation d’une bonne tranche de la population à telle enseigne que plus on est éloigné de sa montagne moins on connaît sa tradition. Aussi faut-il mentionner que l’objectif visé par Baba Simon sur le plan de l’évangile n’a pas eu véritablement les résultats escomptés. Il faut dire que, certains s’en sont servis comme d’un avantage matériel pour se mettre à l’abri du besoin et sont retournés à leurs pratiques d’antan après 1975. Nous pensons notamment à beaucoup de personnes qui se sont converties à l’islam et à d’autres qui sont redevenus animistes. De même, les initiatives de charité ont endormi chez les populations tout sens de l’entreprise personnelle.

Mais, malgré ces imperfections, les œuvres de Baba Simon ont servi les intérêts du Cameroun. Beaucoup d’humanisme s’y est investie. Ainsi donc, au-delà des limites de l’œuvre de Baba Simon à Tokombéré, il faut reconnaître ses mérites car il est parvenu, malgré les difficultés rencontrées, à transformer tout un milieu social. L’affection que la population de Tokombéré a manifesté et continue de manifester pour Baba Simon trente ans après sa mort est grande. Les nombreux témoignages recueillis après sa mort, restent une preuve patente de cet attachement. Trente ans après sa mort, il est encore l’inspirateur de la plupart des pensées et des initiatives de populations de Tokombéré116.

SOURCES ET REFERENCES BIBLIOGRAPIQUES

SOURCES

Archives sonores et écrites

Interview de Baba Simon par Jean Baptiste BASKOUDA, 1970

Interview de Baba Simon par Jean Baptiste BASKOUDA, 1975

Interview télévisée de Michel FARIN, 1973

Kudumbar, N° 32, Spécial Baba Simon, N° spécial du journal des jeunes de Tokombéré, réalisé en octobre 1995 à l’occasion du 20è anniversaire de la mort de Baba Simon.

Conférence du Dr COSME DIKOUME, neveu de Baba Simon, Sociologue, prononcée le 13 août 1995 pour le 20è anniversaire de la mort de Baba Simon.

Conférence de M. Jean-Baptiste Baskouda prononcée à Tokombéré le 13 août 1995 pour le 20è anniversaire de Baba Simon.

II- BIBLIOGRAPHIE

E-Ouvrages

Aurenche, C., Sous l’arbre sacré, 2è ed., Cerf, Paris, 1987.

Aurenche, C., Tokombéré au pays des grands prêtres, religions africaines et évangile peuvent-ils inventer l’avenir ? , Edition de l’atelier/Edition ouvrière, 1996.

Baskouda, J-B. , Baba Simon le père des Kirdis, Cerf, Paris, 1988.

Cador, G., On l’appelait Baba Simon, Presses de l’UCAC/les Editions Terre Africaines, Yaoundé/Paris, 2000.

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Plumey, Y., Mission Tchad-Cameroun, l’annonce de l’évangile au Nord Cameroun et au Mayo-Kebbi, 1946 à 1986, Italie, Edition Oblates, 1990.

B- Mémoires et Rapports

Gigla Garakcheme, L’Eglise catholique et l’émancipation des peuples des Monts Mandara : le cas de Tokombéré (1959-2001), Rapport de licence en histoire, Université de Ngaoundéré, 2002.

Noubissié Deussom, G., Monseigneur Yves Plumey 1946-1986, Mémoire de maîtrise en histoire, Université de Ngaoundéré, 1997.

Noubissié Deussom, G., Implantation et évolution de l’Eglise catholique au Nord Cameroun de 1932 à 1985, Mémoire de DEA, Université de Ngaoundéré, 1998.

Matakon Paul, Baba Simon et sa visée missionnaire à Tokombéré, Mémoire de fin de cycle de théologie, Grand Séminaire Saint Augustin de Maroua, 2004.

C- Articles de Revues

Martin, J. Y., L’école et les sociétés traditionnelles au Cameroun septentrional, Cahiers ORSTOM, Série Sciences Humaines, N° 3, 1971, pp. 295-335.

Motazé Akam, Migration et reproduction des rapports sociaux dans le système Lamidal du Nord Cameroun, in annal de la Faculté des Arts Lettres et Sciences Humaines de l’Université de Ngaoundéré. Vol 3, 1998, pp. 39-61.

VI-JOURNAUX

Effort Camerounais, 27 décembre 1924.

Effort Camerounais, 18 au 24 décembre 1955.

Effort Camerounais, N°153, septembre 1958.

1-T.M., Bah, 1998,(ed)la biographie comme genre historique et l’histoire locale in Acteurs de l’histoire au Nord Cameroun XIXè et XXè siècle Revue Ngaoundéré- anthropos, vol. III, N° spécial 1, pp. 1-11.

2 Mpeke Simon est son vrai nom. Le nom « Baba » lui fut attribué par Jacques Legrand, prêtre qu’il rencontra en 1959 à Mayo-Ouldémé. « Baba » signifie « papa »aussi bien en Mada qu’en Ouldémé. Ce nom lui fut attribué pour faciliter le contacte avec les Kirdis et aurait eu un effet sur les populations locales.

3 C., Aurenche, 1987, Sous l’arbre sacré, le Cerf, Paris, pp. 111-117.

C., Aurenche, 1996, Tokombéré au pays des grands prêtres, religions africaines et évangile peuvent-ils inventer l’avenir ? Edition de l’Atelier/Edition ouvrière, Paris, pp. 19-26.

4 J-B., Baskouda, 1988, Baba Simon le père des Kirdis, les Editions du Cerf, Paris.

5 Il existe un controverse au sujet de la définition du terme Kirdi. Nous choisissons ici celle qui nous convient le mieux à savoir qu’il désigne les populations païennes du Nord Cameroun ayant refusé l’islam.

6 G., Cador, 2000, On l’appelait Baba Simon, Presse de L’UCAC/les Editions Terre Africaine, Yaoundé/Paris.

7 J-B., Baskouda, dans la préface de On l’appelait Baba Simon, p. 8.

8 Y., Plumey, 1990, Mission Tchad-Cameroun, l’annonce de l’évangile au Nord Cameroun et au Mayo-Kebbi, Italie, Ed Oblates, pp.326-335.

9 G., Garakcheme, 2002, l’Eglise catholique et l’émancipation des peuples des Monts Mandara : le cas de Tokombéré (1959-2001). Rapport de licence en Histoire, Université de Ngaoundéré.

10 P., Matakon, 2004, Baba Simon et sa visée missionnaire à Tokombéré, Mémoire de fin de cycle de Théologie, Grand Séminaire Saint Augustin de Maroua.

11Extrait de la conférence prononcée à Tokombéré le13 août 1995, pour le 20è anniversaire de la mort de Baba Simon, par Cosme Dikoume neveu de Baba Simon

12 Ibid.

13 Conférence prononcée à Tokombéré le13 août 1995, par Cosme Dikoume neveu de Baba Simon.

14 J-B. ,Baskouda, 1988, p. 9.

15 G., Cador, 2000, p. 11.

16G., Cador, 2000, p.12.

17 Ibid. p. 13.

18 G., Cador, 2000, p. 14.

19Oncle de Simon Mpeke cité par Grégoire Cador dans On l’appelait Baba Simon. P. 14.

20 G., Cador, 2000, pp. 15-16.

21 Ibid. p.17

22 Ibid.

23 Œuvre fondée par les missionnaires pallotains pour une formation religieuse, sociale et familiale des indigènes.

24 G., Cador, 2000, p. 17.

25 Lettre Apostolique du Pape Benoît XV du 30 novembre 1919, cité dans On l’appelait Baba Simon. P. 22

26 G., Cador, 2000, pp. 26-27.

27 G., Cador, 2000, p. 24.

28 Ibid. p. 32.

29 Kudumbar, N°32, Spécial Baba Simon, N°spécial du journal des jeunes de Tokombéré, réalise en octobre 1995 à l’occasion du 20è anniversaire de la mort de Baba Simon, pp. 26-27.

30 Ibid. p. 27.

31 Ces premiers prêtres sont : T. Atangana, J. Tabi, A. Manga et T. Tsala (Vicariat de Yaoundé), O. Misoka, J. Mélone, J. O. Awoué et S. Mpeke (Vicariat de Douala).

32 Kudumbar, N°32,1995, p. 27.

33 Kudumbar, N°32, 1995, p .27.

34 Conférence de Cosme Dikoume, 12 août 1995 àTokombéré.

35 G., Cador, 2000, p. 95.

36 G., Cador, 2000,p .108.

25 Missionnaire français ayant œuvré au Cameroun entre 1930 et 1957.

37 L’Effort Camerounais, du 18 au 24 décembre 1955, cité par G., Cador, 2000, p. 108.

26 Interview de Baba Simon réalisé par Paul Jubin, dans Peuple du monde, N°53, juillet-août 1972, cité par G. Cador, 2000, p. 110.

38G., Noubissié Deussom, 1998, implantation et évolution de l’Eglise catholique au Nord-Cameroun de 1932 à 1985, DEA, Université de Ngaoundéré, p. 25.

39Ibid.

40Ibid.

41La congrégation des Oblats de Marie –Immaculée fut créée par Eugène de Mazenod en 1816.Elle fut reconnue par le Pape Léon XII en 1826.

42 Y., Plumey, 1990, préface de Mgr Zoa, p. 7.

27 Père Alexis Atangana, dans l’Effort camerounais, N°153, septembre 1958, cité par G. Cador, 2000, p. 109.

43 G., Cador,2000, p.119.

44 Ibib, p.118.

45 Ibid. p. 115.

46 Interview de Baba Simon réalisé par J-B. , Baskouda, 1975.

47 Ibid.

48 G., Cador, p.129.

49 G., Cador, p.129.

50 Ibid, p.131.

51 Y., Plumey, 1990, p.328.

52 J-B., Baskouda, 1988, p.33.

53 G., Cador, p.134.

54 Entretien avec Djiméré à Tala-Laki le 30 décembre 2004.

55 Giuseppe Maggi est d’origine tessinoise et a décidé de donner sa vie de médecin au service des missions d’Afrique. Il travailla avec Baba Simon jusqu’en1969.

56 G., Cador, 2000, p.141.

57 E., Mohammadou, 1975, Le royaume du Wandala ou Mandara, Bamenda, ONAREST, p. 192.

58 A.D., Lepérine, 1962, Coutumes et pratiques matrimoniales chez les Mada et Mougnang, Terre Africaine, Paris, p. 52.

59 D., Abwa, 1994, « Commandement européen » -« Commandement indigène » au Cameroun sous administration française : 1916-1960, Thèse de Doctorat d’Etat en Histoire, Université de Yaoundé I.

60 G., Cador, 2000, p. 149.

61 Ibid, p. 152.

62 Y., Plumey,1990, p.329.

63 Entretien avec Tuluro Jean-Rigobert à Tokombéré, 27 décembre 2004.

64 P., Matakon, p. 22.

65 J-B., Baskouda, 1988, pp. 36-37

66 C., Aurenche, 1996, Tokombéré au pays des grands prêtres, religion africaine et évangile peuvent-il inventer l’avenir, p.20.

67 J-B. , Baskouda, 1988, p.36.

68 Ibid,, p.62.

69G., Cador, 2000, p.164.

70 Entretien avec Ngloumdar à Tokombéré le27 décembre 2004.

71 C., Aurenche, 1996, Tokombéré au pays des grands prêtres, religion africaine et évangile peuvent-il inventer l’avenir, p. 25.

72 J-B., Baskouda, 1988, p. 53.

73 G., Cador,2 000, p.169.

74 G., Garakcheme, 2002, l’Eglise catholique et l’émancipation des peuples des Monts Mandara : le cas de Tokombéré (1959-2001), Rapport de licence en Histoire, Université de Ngaoundéré, p. 18.

75 Entretien avec Darkidar à Tokombéré le 30 décembre 2004.

76 Entretien avec Sali Ndefmé à Tokombéré le 3 janvier 2005.

77 Y., Plumey, 1990, p. 330.

78 Entretien avec Tuluro Jean Rigobert à Tokombéré le 28 décembre 2004.

79 J-B., Baskouda, 1988, p. 92.

80 G., Cador, 2000, p. 164.

81 Ibid, p.163.

82 Ibid.

83 J. Y., Martin, 1971, l’Ecole et la société traditionnelle au Cameroun septentrional, in Cahiers ORSTOM, série Sciences Humaines, Vol 3, N°3, pp. 295-335.

84 Ibid.

85 Ibid.

86 D., Abwa, 1994, « Commandement européen » -« Commandement indigène » au Cameroun sous administration française : 1916-1960, Thèse de Doctorat d’Etat en Histoire, Université de Yaoundé I, p. 639.

87D., Abwa, 1994, p. 639.

88 Motazé Akam, 1998, « Migration et reproduction des rapports sociaux dans le système Lamidal du Nord Cameroun ». In annale de la Faculté des Arts Lettres et Sciences Humaines de l’Université de Ngaoundéré, vol 3, pp. 39-61.

89 J-B., Baskouda, 1988, P42.

90 Entretien avec Chéchicom à Tokombéré le27 décembre 2004.

91 Entretien avec Garakcheme Taliko, à Tokombéré, 29 décembre 2004.

92 Entretien avec Tédéfin Bata à Tokombéré, 23 décembre 2004.

93 Effort camerounais du 27 décembre 1924 cité par G. Cador, 2000, p.172.

94 G., Cador, 2000, p.171.

95 Interview de Baba Simon réalisé par J-B. Baskouda, 1975.

96 J-B., Baskouda, 1988, p. 45.

97 Ancien nom du département donné à la région couvrant Mora et Mokolo dont Mokolo était le chef-lieu.

98 Entretien avec Mékéhé à Tokombéré le 23 décembre 2004.

99 J-B., Baskouda, 1988, p. 46.

100 Entretien avec Kadi Zaké à Tokombéré, 2 janvier 2005.

101 Entretien avec Ibrahim Koho à Tokombéré le 22 décembre 2004.

102 Entretien avec Sali Ndefme à Tokombéré, 3 janvier 2005.

103 Entretien avec Garakchémé Taliko à Tokombéré le 29 décembre 2004.

104 J-B., Baskouda, 1988, p. 92.

105 G., Cador, 2000, p. 177.

106 G., Cador, 2000, p. 179.

107 Témoignage du père Tubery dans la documentation Baba Simon De la paroisse de Tokombéré.

108 Entretien avec Ngloumdar à Tokombéré le 27 décembre 2004.

109 Entretien avec Darkidar à Tokombéré le 30 décembre 2004.

110 Ibid.

111 Ibid.

112 Ibid.

113 Entretien avec Darkidar à Tokombéré le 30 décembre 2004.

114 G., Cador, 2000, p. 220.

115 Ibid, p. 224.

116 C., Aurenche, 1987, Sous l’arbre sacré, p. 116.

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