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Le Site de Baba Simon.      

 

Transcription par le Père Pouliquen (o.m.i.) à partir d'un enregistrement lors de l'entrevue entre les séminaristes du Petit Séminaire de Ngaoundéré et Baba Simon. Ce texte est donc le compte-rendu par un père de la rencontre du 27 Juillet 1970 relatée par Jean-Baptiste Baskouda dans Interview Baskouda 1970. On y trouve un avis sur les séminaristes qui "perdent la vocation", sur la situation financière des missionnaires au Nord-Cameroun, sur le travail des séminaristes pendant les vacances, sur les relations garçons filles, sur le célibat des prêtres, sur l'évolution des séminaires. (L'original est aux archives de Mgr Plumey à Rome)

Entretiens avec les séminaristes du petit séminaire de Ngaoundéré (1970)

Propos d'un ancien, le Baba Simon Mpeke,

aux petits séminaristes de N'Gaoundéré

(texte reconstitué intégralement sur enregistrement au magnétophone

du lundi 27 juillet 1970 et frappé par le P. Pouliquen, OMI)

Introduction par l'abbé Simon :  

Je suis très content de vous parler en particulier : comme Jésus disait à ses Apôtres : "A vous, il est donné de connaître les mystères du Royaume…!" J'ai fait la Retraite, mais il était bon que vous, qui êtes chargés de préparer le Royaume, vous ayez des entretiens particuliers. Et les questions que vous m'avez posées me donnent l'occasion de vous parler comme j'aurais voulu le faire et même mieux encore. Je suis très content de vos questions parce que vous parlez réellement des choses qui vous touchent. Et ensuite vous avez fait une très  bonne chose que j'ai beaucoup appréciée ; c'est que vous n'avez pas mis vos noms là-dedans : ça me permet de répondre d'une façon absolument libre, sans me préoccuper de savoir à qui j'ai affaire. Un seul a écrit son nom… et ce n'est pas mal ! A toute règle il faut qu'il y ait une exception… J'ai reçu hier quatre questions : alors je croyais que c'était tout ; j'ai répondu à ces questions par écrit. Aujourd'hui je reçois… je ne sais combien… beaucoup de questions. Je vais répondre comme je pourrai, mais je les ai toutes lues, et je vais vous donner des réponses réfléchies.

Mr l'Abbé, vous est-il arrivé des difficultés sur le chemin du sacerdoce ? Lesquelles ?

            J'ai eu des difficultés de la part de mes parents, de ma famille, et ensuite au Séminaire même. Ma famille voulait que je me marie pour avoir des enfants ; mon père (qui était païen et polygame) avait même commencé à doter pour moi deux filles à la fois (qui vivaient dans leur famille). Ma décision arrivant dans ces conditions ne pouvait que trouver de l'opposition. D'autant plus que chez moi on n'avait jamais vu encore un prêtre noir. Je tins bon quand même, parce que j'avais pris ma décision de ma propre initiative. J'avais alors 17 ans ; c'était en 1923. J'étais employé à la Mission d'Edéa comme moniteur diplômé. Quand j'ai fait ma demande au Père d'Edéa, lui disant que je voulais être prêtre, lui-même fut surpris. Finalement on me laissa faire parce qu'on disait partout : "Il sait ce qu'il fait." J'ai eu aussi des difficultés au Petit Séminaire de Yaoundé, à cause du changement de climat et du changement de régime alimentaire ; car notre cuisine à Edéa diffère beaucoup de celle de Yaoundé (… et nous croyons la nôtre meilleure !) Un de mes amis d'Edéa, qui était au Séminaire avec moi avait quitté le Séminaire à cause de cette nourriture. Il est aujourd'hui diacre à Douala. En dehors de ces difficultés (la famille et la question nourriture), je n'en ai pas eu d'autres… Tandis que maintenant… j'en ai beaucoup.

Quelles sont pour nous, qui sommes du Nord, les principales difficultés que nous aurons à surmonter sur le chemin du Sacerdoce ?

            Je crois que les plus grandes difficultés que vous aurez à surmonter seront, au fond, les mêmes que celles de vos frères séminaristes du Sud ; bien qu'à mon avis ces difficultés ne soient pas tout à fait du même genre. Par exemple : au Sud, beaucoup de parents permettent aujourd'hui volontiers à leurs enfants d'aller au Séminaire. Mais ce qu'ils désirent, c'est plutôt de leur donner une formation secondaire… et moins coûteuse. Le motif avancé reste toujours : le Sacerdoce ; mais en réalité, pour les parents c'est plutôt un "risque" (Risque au point de vue réel des parents..) qui est nécessité pour obtenir leur but véritable. Mais c'est là aussi (du point de vue de Dieu) une "chance" pour les enfants. Mais les difficultés viennent ensuite : on les pousse à se marier pour avoir des enfants qui feront grandir le clan, qui aideront leur famille… qui le feront s'épanouir (au sens africain du mot) en tous sens. On veut "être quelqu'un au Cameroun". Ce sont ces motifs-là qui poussent les parents et qui font (dit-on) "perdre la vocation"… une vocation qui, sans doute, n'avait jamais existé. La VOCATION qu'on suppose exister est, de la part de Dieu, CONDITIONNELLE. Jésus-Christ disait à ceux qu'il appelait : "Si tu veux…" "Celui qui veut me suivre, qu'il renonce à soi-même". Tant qu'il n'y a pas ce renoncement à la base, la vocation n'a jamais existé. De même qu'il n'y a pas de mariage vrai (et donc pas de "divorce") s'il n'y a pas eu au début consentement mutuel. Ainsi ce qu'on prend au Sud pour une tentation contre la vocation avait été implicitement admis quand on a accepté le sacerdoce soit comme un "risque" soit comme une chose "qu'on n'exclut pas". Alors que le Sacerdoce devait être au départ une "OPTION", quelque chose qu'on choisit parmi d'autres, mais qu'on choisit d'une façon absolue. La vocation doit être soutenue, défendue, développée comme une option absolue à la base, et qui continue à être considérée comme telle.

            Au Nord, vous aurez les mêmes difficultés. Mais vous avez, je pense, maintenant surtout, - vous et vos parents – le bénéfice de la bonne foi, à base d'une certaine ignorance.

            Quelque temps après mon arrivée au Nord, je me rendis un jour à la Mission de Lam. J'accompagnais le Père pour rendre visite à la famille d'un séminariste. En cours de route le Père me dit : "Dites-leur que leur enfant est à la grande école, au Collège de Ngaoundéré, mais ne leur parlez pas du Séminaire". Ainsi vos parents savent en général que vous allez au collège de Mazenod ; et le voisinage des deux établissements fait que, même pour vous qui êtes entrés ici en faisant le concours exclusif d'"admission au Collège de Mazenod", il peut vous être facile de confondre les choses et de vivre tranquillement dans cette confusion. Alors, votre difficulté particulière consiste en ceci : si volontairement vous évitez de sortir de cette confusion. Maintenant que vous êtes ici, il faut poser bien clairement la question : "Voulez-vous être séminariste, OUI ou NON ". Il faut montrer que vous le comprenez. Au contraire, certains éliminent cette question pour continuer à vivre dans cette confusion ; et, un jour, on se trouve des raisons pour changer de route : "C'est mon père qui ne veut pas… C'est ma mère qui ne veut pas… Je veux avoir des enfants… J'ai des tentations…" Mais à la base, la raison profonde ce sera que vous n'avez jamais accepté pleinement la VOCATION avec ses renoncements.

            Il faut donc essayer courageusement de sortir dès maintenant de cette confusion : Optez pour le Sacerdoce ; ou bien dites : "Moi, je n'ai pas la vocation" ; ou bien allez attendre quelque part, au Collège ; d'autant plus facilement que la plupart des collégiens actuellement sont, comme les séminaristes, boursiers de Monseigneur.

Autrefois on reconnaissait qu'un tel était prêtre ou chrétien par la CROIX qu'il portait. Actuellement on constate que la CROIX est moins portée. Pourquoi ça ?

            Quand les Pères sont arrivés chez nous, ils portaient non seulement la Croix mais aussi la soutane. On peut demander aussi bien pourquoi aujourd'hui ils portent moins la soutane et la croix… Demandez-leur plutôt à eux… Je vais essayer quand même de répondre à la question. Voici comment je comprends la chose. Commençons par un exemple : J'étais en France – à Tourcoing, dans le Nord de la France -. Un séminariste me conduisit chez son frère qui avait une usine où on fabriquait des étoffes. Ce monsieur me dit : "Mon Père, les ouvriers n'aiment pas voir la soutane ; prenez des habits comme nous pour aller visiter l'usine"… ce que je fis. Et ces messieurs me prirent pour un parlementaire africain. Ils se montrèrent très courtois et même très respectueux. Donc, en France, il y a beaucoup de gens qui n'aiment pas l'Eglise, et dès qu'ils voient une soutane, ils se révoltent intérieurement et ils vous tournent le dos. Le prêtre qui veut s'occuper d'eux doit donc se présenter à eux comme un homme ordinaire, sans étiquette visible d'appartenance à l'Eglise.  Ce n'est que peu à peu qu'il peut leur découvrir ce qu'il est et pourquoi il vient vers eux. Dans ces conditions enlever sa soutane est un moyen d'apostolat… car ces messieurs qui n'aiment pas voir la soutane sont très nombreux. Aussi les Evêques de France, en vue de cet apostolat en France, pour les prêtres de France ont permis aux prêtres de s'habiller comme tout le monde ; mais ils ont demandé que les prêtres portent une petite croix ; et même ils leur permettent d'enlever cette croix si elle doit gêner leur apostolat.

            Il y a aussi des raisons de commodité : par exemple pour raison de voyage en moto ou à bicyclette… Les missionnaires sont arrivés chez nous au moment où, en France, tous les prêtres portaient la soutane ; ils sont donc venus chez nous en soutane. Et même quelques sociétés de prêtres ou religieux missionnaires portaient par-dessus la soutane des croix, des scapulaires, des cordons… Maintenant les missionnaires qui abandonnent complètement ou partiellement ces choses semblent obéir aux Evêques français et non pas aux Evêques africains. Ils le font peut-être parce que nous sommes des pays francophones… Mais tous les chrétiens du Sud, et les musulmans et même les païens aiment voir les prêtres en soutane. Ce n'est donc pas pour nous, pour l'apostolat à faire chez nous que  les prêtres laissent la soutane. J'ai vu à Douala un de nos confrères qui aimait toujours sortir sans soutane ; des jeunes gens l'ont battu. Alors l'un d'eux (c'était sans doute convenu d'avance…) leur a dit : "Ne le battez pas : c'est un prêtre"… Un autre a répondu "Mais.. Où est donc sa soutane ??"

            Moi aussi, à Tokombéré, j'avais voulu porter chemise et pantalon ; je commençais à faire comme tout le monde. Une délégation de musulmans vint me dire ce que de jeunes enfants me disaient déjà : "Baba Simon, remettez votre soutane". Mais il faut remarquer une chose importante : c'est que "le Royaume de Dieu est surtout au-dedans de nous" comme disait Jésus.

            Or il arrive souvent que ces choses extérieures (soutane, croix, tout cela absorbe notre attention et nous empêche d'aller à l'essentiel. Et puisque aujourd'hui on cherche dans tous les domaines à revenir à l'essentiel, on remarque que tout cet apparat extérieur (qui a été souvent introduit dans l'Eglise par de très saints personnages) ne fait pas partie de l'essentiel. Il est donc normal qu'on le diminue autant qu'on peut. Ainsi il ne faut pas juger de la valeur d'un prêtre sur sa soutane, mais sur tout le reste. C'est une réforme vers l'intérieur qui se fait dans toute l'Eglise : tout le monde doit admettre ça.

Nous voudrions savoir votre âge.

            Je suis né "vers" 1906 ; j'ai donc 64 ans. Ce sont là toutes les questions que j'ai reçues hier. Voici les autres.

Quelle doit être l'attitude d'un séminariste dans cette situation : Son père ne veut pas l'aider en lui donnant de l'argent. Il en donnerait s'il voyait que son fils a besoin de doter une fille. Est-ce juste ? Ce séminariste doit-il mentir en disant qu'il a besoin de doter une fille pour obtenir ainsi l'argent de son père ?

            D'abord nos parents doivent nous aider à devenir des hommes : c'est cela l'éducation, s'ils peuvent nous la donner. Mais il y a des parents, comme dit notre frère, qui choisissent d'appliquer leur aide uniquement à la question de dot. Est-ce juste ? Actuellement non. Parce que si, par exemple, un enfant veut être chauffeur ou veut apprendre un métier et que pour apprendre ce métier on lui demande de l'argent – une somme équivalente à une dot – si son père est compréhensif, il verra bien que donner à son fils 5.000 F pour être chauffeur, c'est mieux que de garder ces 5.000 F pour lui donner une femme tout de suite. Car l'enfant, une fois devenu chauffeur, trouvera l'argent de lui-même et prendre la femme comme il veut. Alors il fondera un foyer et le clan va aussi grandir. Si donc un père ne comprend pas cela, c'est un ignorant. Il fait des choses dont il ne cherche pas à comprendre les conséquences. Si donc moi je veux aller au Collège pour faire mes études et que je vois pouvoir ainsi devenir un jour fonctionnaire ou quelque autre situation… si mon père est compréhensif, il va me donner l'argent qu'il aurait préparé pour me doter une femme ; parce qu'une fois bachelier, vous pourrez déjà avoir votre femme… et même dix femmes. Quand donc vous allez faire vos études au Séminaire, c'est la même chose. Votre papa devrait vous aider ; s'il ne comprend pas cela je crois… vous n'avez qu'à prendre l'argent ; il comprendra que vous l'avez dépensé pour vos études… ! Cependant, voyez-vous, moi je crois que, pour vous, pour cette question d'argent, il ne faut pas s'éloigner de votre famille. L'argent, c'est moins important que de conserver l'amitié avec votre famille. Du moment qu'on vous donne le nécessaire pour faire vos études, contentez-vous-en.

            Pour moi personnellement, mon père n'a jamais dépensé un sou quand je suis allé au Séminaire. Pour la dot qu'il avait donnée là-bas, il a récupéré son argent, et c'est fini !! Mais je ne suis pas allé lui dire de m'envoyer de l'argent à Yaoundé pour une fille que j'avais en vue. Non ; mes études ont payées par une veuve qui était en France du diocèse du Mans dont Mgr Graffin (Archevêque de Yaoundé) était originaire. Et je crois que si vraiment vous vouez être prêtre, l'Eglise, je le crois sincèrement, est assez forte pour vous donner ce qui vous est nécessaire pour le devenir, comme elle nous a aidés jusqu'ici. Chez nous, au Sud, on a commencé à demander de l'argent aux parents, pour leurs enfants qui allaient au Séminaire, 20 ans après notre ordination. Entre temps, ce sont d'autres parents qui ont remplacé nos parents. Mais je crois que le Royaume de Dieu renferme encore des âmes assez généreuses pour continuer à vous aider comme on nous a aidés. Donc : ne mentez pas ; expliquez bien à vos parents ce que vous voulez ; s'ils ne veulent pas comprendre, écrivez à Monseigneur, Mgr vous aidera certainement ; s'il ne vous aidait pas, écrivez-moi ; je l'obligerai à vous aider.

Quelles sont vos impressions sur le Séminaire ?

            Je vous ai dit l'autre jour que je suis un grand-père. vous savez que les grands-pères gâtent toujours leurs petits-enfants. Moi, quand je vous vois, ça me fait tellement plaisir que je ne peux pas voir vos fautes. Alors… j'ai eu beau mettre  mes lunettes, je n'ai pas vu de mauvaises choses ; je n'ai vu que de bonnes choses. Maintenant, ce que je vous demande, c'est que vous tâchiez d'être intérieurement ce que j'ai vu à l'extérieur. Soyez de vrais bons séminaristes devant le Bon Dieu.

Combien y en a-t-il parmi vous qui sont devenus prêtres ?

            Nous étions entrés 8 de Douala au Séminaire ; nous sommes sortis 4 ; 4 sur 8, on a eu la moyenne !!

Quels désirs doit avoir un séminariste ?

            Des désirs ? Bien entendu.. il ne faut pas qu'il ait des désirs mauvais ; rien que des bons… Et parmi ceux-là, il faut désirer d'être un très grand saint, comme disait Ste Thérèse. Peut-être ces désirs, en augmentant, vous pousseront à devenir au moins

. . . . .

Cette pensée, cette question, c'est très important. On ne demande pas : "Qu'est-ce qu'un séminariste doit faire ?" Mais seulement "Qu'est ce qu'il doit désirer, souhaiter ?" Il faut désirer toujours faire mieux ; ne pas rester satisfaits de ce que vous faites. Comme si à un devoir vous obtenez 7 sur 10 : désirez toujours d'aller un peu plus haut ; il faut que vous ayez le désir constant et comme la hantise d'être meilleurs, toujours !

            Voyez la prière que Jésus-Christ nous a enseignée. Il nous fait exprimer nos désirs. Quels désirs ? D'abord ceux qui regardent le Bon Dieu lui-même, le Royaume de Dieu. Il faut que ces désirs deviennent en vous quelque chose qui vraiment vous pénètre : "Que ton Nom soit sanctifié… Que ton Règne vienne… Que ta Volonté soit faite…" Il faut donc exprimer à Dieu nos désirs, nos souhaits… Quels autres désirs ? Que tous les séminaristes arrivent au sacerdoce ; ne pas aimer qu'un séminariste fasse de mauvaises choses… Souhaiter, pour la joie de Dieu et le bien de nos frères que tous les hommes connaissent et aiment le Bon Dieu. Voilà les désirs d'un bon séminariste. En souhaitant ainsi du bien aux autres, soyez assuré que le Bon Dieu vous donnera aussi à vous ce que vous demandez pour les autres.

Que pensez-vous des séminaristes qui travaillent pendant les vacances ? Ici, on paie tout ; alors il faut bien que le gars se débrouille. Il lui faut trouver une somme pour la rentrée, pour acheter les fournitures. Avec ça le Père de la Mission se plaint : soi-disant que le gars n'aime pas la Mission. Est-ce normal ? Si les parents du gars sont pauvres, ce n'est pas le Père de la Mission qui va lui donner de l'argent pour ses besoins…

            Le dimanche, c'est normal que le séminariste aide le Père à la Mission pour la Liturgie. Mais en dehors de cela, je trouve que c'est normal pour un séminariste de travailler, étant donné qu'on ne fait pas de cadeau au Collège de Mazenod ; surtout en ce qui concerne les fournitures. Voilà, je crois, ce qui est juste.

            Mais ici on semble surtout accuser la Mission ; et moi, je défends la Mission. Si la Mission vous donne de la nourriture, qu'elle vous loge, vous devez l'aider. Mais si la Mission vous laisse tomber pendant les vacances, si elle ne vous demande rien et ne fait rien pour vous, alors elle aura tort de se plaindre que vous ne l'aidez pas. Dans ce cas vous pouvez vous contenter d'aider à la Liturgie seulement. On a eu chez nous la remarque d'un Père pendant les vacances. Il m'a dit qu'un de ses séminaristes en vacances n'était pas venu le voir et après 2 semaines il est revenu. Nous avons demandé à ce séminariste : "Où étais-tu pendant ce temps-là ?" Il nous a répondu : "Je suis allé à la Mission ; le Père m'a regardé, il m'a dit bonjour, puis il ne s'est plus occupé de moi. Alors je suis rentré chez moi." Bien sûr, ce Père-là, il aurait dû s'occuper de son séminariste ; il devait lui donner à manger ; il devait lui montrer une petite chambre à coucher. Il faut bien que les Pères de la Mission s'occupent de leurs séminaristes, puisque ce sont eux qui devront un jour les remplacer. Par conséquent, moi je crois qu'un Père doit s'occuper de son séminariste, quoi !

            Cependant si, durant les vacances, un séminariste trouve un moyen de gagner de l'argent en travaillant quelque part, c'est normal qu'il aille travailler pour avoir l'argent ; le Père n'a pas à rouspéter. Même si le Père vous propose un travail, vous direz : "Votre travail, c'est bien, je le ferai ; mais je voudrais aussi faire un petit travail là-bas, je voudrais aller au marché, je voudrais travailler un peu pour avoir de l'argent". Le Père doit être content parce que vous voulez travailler pendant les vacances ; surtout s'il s'agit d'aider vos parents ; même si vos parents sont pauvres… surtout s'ils sont pauvres et qu'ainsi ce travail ne vous rapporte rien. Parce que si déjà vous commencez à n'aimer que les riches en laissant même vos parents… si vous mettez toujours du côté de ceux qui peuvent vous donner de l'argent… si vous ne travaillez pas pour votre père parce qu'il ne vous donnera rien pour la rentrée… alors… Hé bien… vous n'êtes pas comme Dieu voudrait, parce que précisément Dieu veut que vous aidiez votre père. Du moment que vous dites que votre père est pauvre, moi je crois que c'est alors qu'il faut l'aider. Et même je vois très bien un bon séminariste qui a travaillé pendant les vacances et qui voit que sa mère n'a pas de couverture alors que la saison des pluies va arriver ; je comprends bien qu'avec le fruit de son travail, au lieu de tout garder pour le Séminaire, il achète une couverture pour sa mère : c'est là votre devoir. Si votre maman était riche, certainement elle ne vous laisserait pas tomber ! Si donc vous avez eu quelque chose pendant les vacances (reçu en cadeau pour votre travail) vous devez partager d'abord ça avec vos parents : eux aussi ont partagé leur propre vie avec vous. Chez nous, au Sud, on fait ça. Et les prêtres du Séminaire que j'ai vus dernièrement m'en ont parlé ; ils ont donné tort aux Pères des Missions qui ne s'occupent pas de leurs séminaristes. A vous d'être gentils pour que le Père soit gentil aussi !

Comment expliquer la fuite des grands séminaristes alors qu'ils sont arrivés au terme de leurs études secondaires avec des réussites aux examens officiels ? Est-ce manque de générosité ? Attraction du modernisme ? Attrait de la vie civile ?

Réponse de Baba Simon :

Bien ! je crois que j'ai répondu à cette question au début quand j'ai dit que beaucoup de séminaristes quittent le Séminaire en disant partout : "J'ai perdu la vocation". En vérité, ils n'ont jamais répondu à Dieu. Or quand un jeune n'a jamais voulu donner à Dieu cette réponse claire qu'il choisissait le sacerdoce de préférence à la fondation d'une famille, de préférence à vouloir "être quelqu'un", de préférence à la vie civile… Je trouve normal qu'il abandonne. S'il n'a jamais voulu donner clairement cette réponse à Dieu, il montre qu'il n'a jamais eu la vocation. Ou bien il n'y avait rien du tout ; ou bien Dieu lui a donné "sa moitié" de vocation, sa part ; mais lui n'a jamais voulu apporter "l'autre moitié", la sienne. Alors si le garçon va vous dire : "Ma vocation, je l'ai perdue…" sachez que la vocation, c'est quelque chose qui est de Dieu et qui est de nous. Comme si le garçon va vous dire : "J'ai perdu la fille…" ne dites pas que le mariage a été rompu… de même pour quelqu'un qui n'a jamais dit "OUI" au Bon Dieu. C'est peut-être vrai que le Bon Dieu l'avait appelé ; et puisqu'Il avait fait toutes les avances, c'est Lui qui a perdu… Il est vrai que parfois la vocation peut être perdue – arrêtée – pour cause de maladie, ou parce qu'on n'a pas pu faire des études, ou pour quelque autre raison décisive. Alors, oui, la vocation est une perte et on la regrette ; ce n'est pas l'attrait du modernisme qui les a fait changer d'avis. Mais pour les autres qui sont attirés par la vie civile, qu'ils ne disent pas qu'ils se sont trompés au carrefour ; ils n'ont jamais été au carrefour, ils étaient déjà sur l'autre route ; ils avaient choisi par avance. Le jour où ils ont vu dans leur tête qu'il fallait choisir, ils ont fait semblant de ne plus voir leur route. Quelqu'un qui était sur la bonne route et voulait y rester, on peut dire qu'il s'est perdu ; mais quelqu'un qui n'a jamais cherché la bonne route, il ne l'a pas perdue. Ces jeunes quittent parce que le manque de générosité les a empêchés toujours de faire un choix décisif pour Dieu.

Quelles difficultés particulières (hormis celles de l'Evangélisation) rencontrez-vous, vous prêtres africains, dans votre mission ? Pensez-vous que l'aide épiscopale (pécuniaire surtout) soit suffisante ? Si non, que faire pour subvenir à vos besoins ?

Cette question est très bien posée ; et je suis content de cette question.

Au Nord Cameroun, nous autres, prêtres noirs, nous avons des difficultés particulières pour la question argent. Au Sud, cette difficulté n'existe pas. Je suis resté au Sud Cameroun, comme prêtre, pendant 24 ans en tout. L'Evêque ne m'a jamais donné 10 F. Jamais. Chez nous chaque chrétien paie le denier du Culte ; chez nous les chrétiens donnent de l'argent pour dire des messes ; les chrétiens que j'avais me donnaient. A Douala, où je suis resté 12 ans, nous étions 5 dans la même mission. On donne au prêtre dans une foule de circonstances : je n'ai jamais acheté des œufs parce que les chrétiens apportaient tout ça ; vous allez en visite chez quelqu'un, on vous donne de l'argent. J'allais visiter mes paroissiens le dimanche soir, et, au retour, j'avais quelque fois 10.000F. Chez nous, quand on amène un enfant pour le baptiser, on donne un cadeau au prêtre… Nous sommes tous comme ça au Sud ! L'argent de poche qu'on donne aux prêtres du Sud, c'est pour qu'ils n'aillent pas voir chaque fois le Supérieur s'ils veulent acheter un paquet de cigarettes. A Douala, j'avais une auto, j'avais mon chauffeur. J'ai fait mes voyages sans avoir à demander un sou à Monseigneur. Cet argent, le prêtre, au Sud, n'a pas à le demander à son Evêque. Il le prend sur ce que donnent les gens. Donc, au Sud, cette question ne se pose pas. Pour l'argent, les prêtres au Sud sont très bien. Alors, ceux parmi vous qui veulent de l'argent quand ils seront prêtres… ils n'ont qu'à aller s'incardiner dans le sud…

            Mais, quand je suis arrivé ici, au Nord Cameroun, les choses ont bien changé. Et je ne regrette rien ! Au Nord, on a commencé à m'envoyer, Mgr Plumey m'envoyait… Combien ? 7.500 F par mois, plus 3.000F. Ça faisait 10.500 F Et il me disait : "Cet argent, ces 7.500 F c'est votre pension alimentaire ; c'est pour votre nourriture, votre cuisinier, pour laver votre linge… Débrouillez-vous ! Et les 3.000 F que je vous donne en plus, c'est l'indemnité du ministère, c'est-à-dire pour aider vos catéchistes, pour payer l'essence de votre auto. A part ça, vous n'avez qu'à exposer votre situation à vos amis, à tous ceux que vous connaissez. Et puis, dites-leur de vous aider. Et moi aussi, quand vous voyez qu'il y a une chose vraiment urgente et que vous ne pouvez rien faire, vous vous adressez à moi.  Si à ce moment là vous me trouvez avec quelque chose, je vous donnerai."

La situation des prêtres noirs au Nord n'est donc pas très souriante. Elle est différente de celle des prêtres européens parce que les prêtres européens ont leurs parents en France ; leurs parents savent ce que c'est qu'un missionnaire ; et il y en a parmi les Pères européens dont les parents sont riches… Pas riches à la manière du lamidé, mais riches avec beaucoup d'argent. Alors leurs parents, leurs frères ou leurs cousins, ou quelque chose comme cela leur donnent. Quand ces Pères viennent ici ou reviennent de congé, ils arrivent avec une auto… moi, je suis allé au sud, dans ma famille à moi… mille fois… Mais personne ne m'achètera une auto. Alors, quand je vais dans le Sud, je suis obligé de m'adresser aux chrétiens. Je vais à Yaoundé, je prêche ; je vais à Douala, je prêche. Je prêche dans les Eglises et puis je leur dis : "Mes amis, vous me donnez de l'argent. La quête qu'on va donner à l'église, ce n'est pas pour le Curé, c'est pour moi." Parce qu'au Sud, on fait la quête, chaque dimanche, à chaque messe, les chrétiens donnent quelque chose. Quand j'ai fini de prêcher, je dis au curé: "La quête qu'on va faire, c'est pour moi." Et les gens donnent beaucoup. Une fois je suis arrivé à Douala ; je demande au curé combien il reçoit chaque dimanche. Il me dit : "Chaque dimanche, je reçois comme 20.000 F, mais vous prêcherez et on verra ce que ça va donner." J'ai prêché et j'ai eu 80.000 F Et c'est avec ces dons là, qui viennent de cette manière que nous pouvons construire une maison et faire quelque chose. C'est pourquoi,  nous prêtres africains du Nord, nous ne sommes pas bien placés au point de vue argent. Si vous voulez être à l'aise dans la vie, mieux vaut alors commencer à prendre vos dispositions. Ce n'est pas ici, au Nord, qu'un prêtre peut s'enrichir.  Ceux qui parmi vous désirent la vie facile se trompent, car ce sont les chrétiens qui doivent aider leurs prêtres et les chrétiens du Nord sont pauvres.

Au Sud, j'avais une école ; à New-Bell, avec 1.300 élèves garçons et 1.100 élèves filles. Et tous ces enfants payaient leur écolage : au CM2, ils payaient 4.000 F, au CM1 2.000 F, au Cours élémentaire 1.000 F, au Cours Préparatoire 500 F, au C.E. 300 F Et il y a un jardin d'enfants. A New-Bell on paie pour les tout petits 4.000 F par an (C'est plus cher parce qu'ils cassent tout). Avec tout cet argent vous avez de quoi aider vos moniteurs, vos catéchistes et de quoi vivre vous-mêmes. Mais ici (ça ne vous concerne pas ; mais enfin je vous le dis), à la Direction de l'Enseignement on dit : au CM2 scolarité = 150 F, au CM1 = 100 F, au CE = 75 F, au CP = 50 F par enfant. Jardin d'enfants… on n'en parle même pas. Alors, maintenant le P. Cuisy (ou le P. Noye) vous demandent le nombre de vos enfants : "Ah ! le P. Simon dit qu'il a 40 enfants au CM2 ! Donc c'est qu'il a reçu 150 x 40 = 6.000 F, il a 50 élèves au CM1, bon ça fait 50 x 100 = 5.000 F.

Ainsi, pour cette année, il a calculé que j'avais reçu pour l'écolage 19.000 F. Donc l'Evêque défalque ces 19.000 F de ce qu'il me donne pour ma nourriture. Je suis allé le trouver l'autre jour, mais il ne m'a pas compris. Je lui ai dit : "Mon Père, ça fait combien ?" -"J'ai calculé : vous avez reçu 19.720 F…" Je lui ai dit : "C'est la machine qui vous a calculé cela ; vous avez une bonne machine… Moi, je n'ai pas calculé ainsi ; mais mes élèves, c'est moi qui les nourris, c'est moi qui les loge, c'est moi qui les habille. qu'est-ce qu'ils me paient ? Un mois de nourriture à Tokombéré, ce n'est pas 19.000 F, c'est un total de 40.000 F Ce n'est pas ce qu'ils me donnent. C'est ce que moi je dois donner pour les élèves.

Ici donc, au Nord, actuellement nous sommes vraiment des apôtres parce que nous, vraiment, on n'a rien pour nous. Si nous arrivons à faire quelque chose, nous le faisons réellement avec l'aide de l'Eglise: des chrétiens d'Europe surtout. Et jusqu'ici, le P. Atangana et moi, eh bien, on se débrouille comme les autres. Le Bon Dieu ne me laissera pas tomber parce que mon père ne me donne pas d'argent ; je ne suis pas là pour travailler pour mon père. Vous recevrez de l'argent ; mais vous serez gênés quand vous recevrez des subventions ou autres choses de ce genre, car on ne vous donnera pas sans préciser ce que vous devez faire avec cet argent. Si par exemple vous avez demandé de l'argent pour avoir deux bœufs, pour faire tel travail, ou bien pour construire une école, vous devez être juste en dépensant cet argent pour le but que vous avez indiqué en le demandant. Ne me demandez pas si ce que me donne Monseigneur me suffit pour vivre moi seul. Pour moi, çà me suffit largement ; je suis à Tokombéré depuis onze ans ; je ne suis pas mort, nous sommes toujours là ; à la Mission, on mange bien ; on s'habille bien, on dort bien ; on a de quoi écrire ses lettres; Mais quant à avoir de l'argent personnel pour faire des cadeaux aux autres, c'est différent. Nous sommes réellement ici apôtres de Jésus-Christ. Si donc vous vous sentez capables d'être des apôtres de Jésus-Christ, vous êtes dans la bonne voie.

Est-ce que j'ai besoin d'autres choses ? J'ai les enfants que Dieu m'a donnés ; Dieu n'a qu'à m'aider à les nourrir aussi. Ce que j'ai me suffit pour faire mon travail et pour aller au Ciel. Donc vous aurez assez pour construire vos écoles et faire votre travail ; et le Bon Dieu voit que  vous êtes vraiment à Lui, vous demanderez et Il vous donnera ce qu'il faut pour faire le travail qu'Il vous demande. Le travail du Royaume de Dieu. Si Monseigneur voit que vous faites bien votre travail et que vous ne puissiez pas obtenir par vous-même ce qu'il vous faudrait, lui va demander et il obtiendra pour vous. Monseigneur de Bernon m'a écrit l'autre jour ; j'ai obtenu pour vous ici 300.000 F. Quand je vais revenir, nous allons faire le projet pour employer cet argent. Sans aller en France, on a donné cet argent pour faire un travail qu'on va fixer. C'est tout de même une somme ! Donc je crois que ce que le bon Dieu fait pour moi, il le fera aussi pour vous.

Vous qui êtes missionnaire depuis des années, vous avez été séminariste. Quel rôle apostolique pouvez-vous proposer à un séminariste pendant les vacances ?

Oh ! pour moi, ce serait facile ; mais vous n'êtes pas tous dans ma Mission ! Ce que je vais vous dire, ce que je vais proposer, cela ne sert à rien : il faut le demander au Père de votre mission.

Mais mes séminaristes, quand ils reviennent chez moi, comme je ne sais pas la langue de ma Mission, je les emploie surtout à traduire des Evangiles, à traduire le catéchisme, à faire un petit dictionnaire. J'ai fait un petit dictionnaire en mada avec Barthélémy et un petit dictionnaire en zoulgo avec Baskouda, l'année dernière. Et cette année ils m'ont traduit tout le "catéchisme de Konakry". Ils me traduisent les Evangiles ; nous préparons la liturgie. Quand je sors pour aller dire la messe dans un village, je sors avec eux. Quand je fais le catéchisme aux jeunes gens, je les invite à parler de Dieu. C'est ainsi que je fais. Je leur fait faire le même apostolat que je fais moi-même, parce que je sais que ce sont eux qui doivent me remplacer ; alors je n'ai pas besoin de leur cacher quoi que ce soit. A quoi cela me servirait-il ? Quand j'irai chez le Bon Dieu, le travail restera à faire sur la terre. Un séminariste chez moi, s'il est vraiment ouvert, nous faisons l'apostolat ensemble. Je ne lui dis pas de célébrer la messe !! Mais chez moi, quand ils sont en vacances, ce sont eux qui la servent ; et le dimanche, ils sont lecteurs. Barthélémy lit la 1ère lecture, en mada ; Baskouda lit la 2ème lecture en zoulgo, un catéchiste lit la 3ème en mada. Et tous les dimanches nous chantons. C'est l'apostolat que je leur fais faire. Il n'y en a pas d'autres. Ils font avec ce qu'ils savent, et peuvent faire.

Quand vous êtes en vacances, n'attendez pas que le Père vienne vous dire : "Dis donc, tu vas me traduire l'Evangile aujourd'hui…" Non ; vous allez vous-même dire au Père : "Quel service puis-je vous rendre sur le plan apostolat ?". Car il y a des pères qui sont timides, qui sont gênés quand ils vous voient arriver. Il faut aussi vous présenter à eux comme quelqu'un qui est disponible. Mais quand il sait que vous êtes arrivé en vacances, si le matin il ne vous voit pas à la messe, il va se dire : "Alors ? les séminaristes d'aujourd'hui… qu'est-ce qu'ils font ? On n'en sait rien !.." Et alors ils vous laissent. Si vous vous montrez disponibles, lui aussi sera encouragé, parce qu'il est rare de trouver des gens comme cela au village.

Que pensez-vous de l'amitié entre un garçon séminariste et une fille ? D'abord est-ce que cela doit exister?

Vous posez la question et déjà vous donnez vous-même le début de la réponse. Mais faites bien attention au danger de scandale dans le milieu où vous vivez, même si vous ne vous sentez pas coupable. Si dans votre montagne on ne voit pas les jeunes gens marcher avec une jeune fille de l'autre montagne et qu'on vous voit sortir vous avec une jeune fille qui n'a aucun lien de parenté avec vous, les jeunes chrétiens qui, eux, ne peuvent pas agir ainsi disent : "Mais celui-là… alors ? qu'est-ce que c'est ? Ce n'est pas un séminariste." Vous les poussez à vous condamner et à manquer à la charité alors que peut-être chez vous il n'y a pas de péché. Vous les scandalisez, et ce péché retombe sur vous. Rappelez-vous ce que Jésus Christ a dit au sujet du scandale : "Malheur à celui par qui le scandale arrive ; il vaut mieux qu'on lui mette une grosse pierre au cou et qu'on le jette au fond du lac…"

Et il ne s'agit pas seulement des petits enfants. Un chrétien du village qui ne sait ni lire ni écrire, qui ne connaît que son catéchisme, qui ne peut juger les choses que d'après la lettre de son catéchisme, est aussi "un petit" que Jésus défend contre le scandale. Et que disait St Paul ? C'était à propos des viandes que les juifs ne devaient pas manger et que les chrétiens venant du paganisme ne se faisaient aucun scrupule de manger. St Paul dit : "Laisse là ta viande si ton frère doit être scandalisé de ton attitude. Ne perds pas, à cause de ta gourmandise cet homme que Jésus Christ a racheté de son sang. Si tu sais que c'est permis mais que cet homme-là n'est pas encore capable de le comprendre, il va juger mal en te voyant faire cela."

Ainsi la charité nous demande de ne pas faire une chose qui scandalise. Mais, de plus, je crois qu'il y a dans ce que vous me dites un danger, et même proche. Il y a danger de pécher par pensée ; et même si vous ne péchez pas ainsi, êtes-vous dans la tête de cette fille pour l'empêcher de penser à autre chose qu'à l'amitié ? Ainsi, parce que vous laissez faire, voilà une fille qui va offenser Dieu à cause de vous. En fin de compte d'ailleurs, c'est un danger pour tous les deux ; et le Bon Dieu a dit : "Qui aime le danger y périra." Mais vous, vous ne périrez pas ; vous n'avez qu'à faire attention et à penser aux réactions de votre milieu... comment votre milieu jugera la chose. Pour moi, je trouve que c'est très dangereux.

Que pensez-vous du célibat du Prêtre, à l'heure actuelle où c'est très discuté ?

Si on discute, ça veut dire qu'il y a des opinions pour et des opinions contre. Moi, personnellement je souhaite que des gens qui sont déjà mariés et dont le mariage peut être considéré comme un mariage modèle, des gens qui élèvent bien leurs enfants… un père de famille qui a déjà 2 ou 3 enfants… si cet homme peut étudier et comprendre la théologie… je ne vois pas pourquoi, de cet homme-là on ne peut pas en faire un prêtre, puisqu'autrefois ça se faisait. Puisqu'on dit maintenant qu'il faut remonter aux sources…Voilà une source. Mais le célibat des prêtres, on ne peut pas le détruire, c'est impossible. C'est impossible parce que c'est une chose que Dieu a voulue, mais qu'il a laissée au libre choix. Jésus Christ a dit : "Il y a des gens qui ne se marient pas à cause du Royaume de Dieu". Quel est l'Evêque ? Quel est le prêtre… quel est l'homme qui peut changer cette parole de Dieu ? Il y a des gens qui ne se marient pas à cause du Royaume. Vous, séminaristes, qu'êtes-vous dans le Royaume. Séminaire vient du latin semen qui signifie semence. Le Séminaire renferme n'importe quelle semence, mais des graines sélectionnées. Un séminariste, c'est une semence de choix, c'est une graine sélectionnée. C'est pour la même raison que Jésus Christ disait à ses apôtres : "Vous êtes le sel du monde". Non pas un mets salé, mais le sel même… vous n'êtes pas une chambre éclairée ; vous êtes la lumière même… Le prêtre est donc différent des autres ; et ce n'est pas parce que un prêtre va se marier comme tout le monde qu'on doit conclure que tous les prêtres doivent se marier au lieu d'embêter les gens. Et si un séminariste va quitter demain, est-ce que tous les autres doivent quitter aussi. Et s'il va se noyer, nous irons tous ?..."

St Paul parle aussi du mariage : il dit que c'est un bien. Mais il y a un bien et un autre bien plus grand qui est une vie consacrée à Dieu. C'est un libre choix. Jésus Christ a dit de même au jeune homme riche : "Si tu veux être parfait… suis-moi". Il ne l'a pas maudit pour cela. Il restait libre de choisir. Si donc Dieu vous demande de lui donner en sacrifice même la joie de fonder un foyer, la joie d'avoir une femme et que vous disiez NON, Dieu ne va pas vous envoyer en enfer rien que pour ce refus. Mais ceux qui refusent ne doivent pas en vouloir à ceux qui acceptent. Donc, le célibat il ne faut pas le regarder comme quelque chose de tellement extraordinaire : c'est une volonté de Dieu qu'il faut accepter librement. "Si quelqu'un veut… qu'il me suive". S'il ne veut pas, qu'il laisse. Il n'est pas question de perdre le ciel là-dedans. Plusieurs pensent que si un homme a quitté le séminaire, il a quitté le ciel. Pas du tout…

On entend des gens dire aujourd'hui : "Le Séminaire est corrompu". Les séminaristes sont maintenant très ouverts à la vie : ils ne s'occupent que de la mode, des filles et de je ne sais quoi encore… et très peu de leur vie de séminaristes. Pouvez-vous nous tracer un parallèle entre le Séminaire tel qu'il existait autrefois et celui d'aujourd'hui ?

Je vous répondrai qu'il ne faut pas être surpris des calomnies. Jésus a annoncé que son Eglise serait toujours calomniée. Ensuite les comparaisons sont souvent odieuses et partiales, dictées par le sentiment. Vous ne pouvez pas aller vivre dans le séminaire d'il y a 50 ans ! Au lieu de comparer le séminaire de notre temps avec le vôtre, cherchez plutôt à comparer vous-même à vous-même. C'est-à-dire : comparez votre conduite personnelle à l'idée qu'on vous propose aujourd'hui au Séminaire. Vous êtes au Séminaire d'aujourd'hui, fait pour les prêtres d'aujourd'hui. Il faut vivre avec votre temps. Il faut réaliser l'idéal du prêtre qu'on vous propose aujourd'hui.

Quel était l'idéal qu'on nous proposait autrefois ? C'était Jésus Christ… Imiter la vie de Jésus Christ. Mais c'est le même aujourd'hui !… On dit que le prêtre est un autre Christ ; tout se ramène donc à imiter Jésus qui est la lumière du monde. Vous qui voulez être prêtres, c'est cet idéal qu'il faut viser à réaliser. Il faut qu'on voie que cet homme que vous êtes, suit Jésus Christ ; qu'il accomplit ce que Jésus Christ lui donne à faire chaque jour.

Quand vous vous levez, on vous demande, comme à nous, d'élever votre cœur vers Dieu. On peut faire cela en se levant à 5h du matin, ou même à 4h, ou même à 8h du matin ; le principal n'est pas là. De même, nous autres on faisait du latin trois heures par jour ; vous autres vous en faites peut-être une demi-heure par mois… Ce n'est pas ça qui a de l'importance ! De même l'heure où vous vous couchez : peu importe. Ce qu'on vous demande (comme à nous) c'est de remettre votre âme à Dieu.

Donc, regardez la vérité des choses et non l'habillement. Cherchez en tout ce qui est essentiel : imiter Jésus Christ, aimer Dieu et le prochain. Voilà l'idéal qui n'a pas changé, qui ne changera pas. Cherchez cela et laissez tomber les comparaisons qui seraient plutôt odieuses ou sentimentales.

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