MISSION CATHOLIQUE de NGOVAYANG
Le 14 juillet 1941
Monseigneur,
J'ai l'honneur de vous communiquer quelques détails sur mon voyage à Eséka-Makak-Otele. Tous les quatre abbés ont reconnu leurs erreurs et y ont sincèrement renoncé. L'abbé Paul avait même voulu entamer une discussion avec l'abbé J. Oscar sur les prétendues révélations de M.B. mais avait dû garder le silence car J. Oscar attribua cet esprit de critique à un manque d'humilité. Le fameux "triumvirat" a compris son erreur, quelques-uns même ont versé des larmes, et ont tous donné des signes non équivoques de repentir. On m'a montré une des lettres récentes clandestines de J.Oscar. Cette lettre commençait ainsi en langue indigène : "Dès que tu auras fini de lire cette lettre, brûle-la" et J. Oscar y avait mis à la fin un pseudonyme. Qu'est-ce qu'ils avaient au juste ces jeunes abbés ? L'esprit faussé par les révélations de Matthias habilement accommodées aux textes scripturaires et présentées par petites doses par l'abbé J. Os. A cet esprit faux s'ajoutait une crise de désespoir qu'on ne pourra jamais s'entendre avec les Blancs qui nous haïssent et nous envient au temporel et au spirituel. Et la résolution diaboliquement concluante et vindicative : causer des ennuis aux Blancs tant qu'on peut. Benoît Paglan et Ric. venaient de renouveler cette résolution la veille de mon arrivée à Otele ! Avec cela une sécheresse spirituelle qui les rendaient presque incapables de bien prier et surtout de faire l'oraison. Ils en avaient évidemment perdu toute confiance en tous les Blancs. "Vraiment ça allait mal".
Après m'avoir exposé leur état au moins pendant 1h½, je leur ai montré dans son ensemble la doctrine de M.B. prêchée par J. Os. et ils avaient reconnu tout de suite que c'était là la source de leurs misères. C'était une véritable délivrance spirituelle. Impossible de vous décrire, Monseigneur, leur reconnaissance à nous deux, leurs élans de repentir. Nicolas surtout, le plus intelligent de la bande, paraît le plus converti. C'est lui qui a demandé "l'exil" de J. Oscar. Dieu merci ! Mais ce n'est pas fini. Il nous reste l'abbé Bel Luc et surtout les Grands Séminaristes. Le P. Charles, l'abbé Pierre et moi croyons qu'il serait mieux de faire descendre à Edéa tous les Grands Séminaristes à l'occasion de notre retraite, en présence de tout le clergé indigène unanime sur un point tous se rendront sans exception. Pour les Petits Séminaristes, nous n'avons pas ensemble trouvé une solution convenable.
Pour l'abbé J. Osc. il me semble qu'il se rendra aussi mais pour le moment je crois que la parole du R.P. Charles est juste : "Je pense, dit-il, que pour l'instant l'abbé J. Os. doit surtout travailler pour son propre salut, et dans ce cas nous l'accepterons chez nous". Avant de partir chez les Bénéd. nous essayerons avec beaucoup de tact et de douceur de gagner notre cher abbé qui a par ailleurs d'excellentes qualités. J'ai proposé au P. Solher que J. Os. pourra rester ici avec moi pendant un ou deux mois (avant que les Grands Séminaristes quittent Otelé) je tâcherai de lui faire comprendre sa situation ; s'il nous écoute, tant mieux pour lui et pour tout le clergé. Loué soit J.C.
Simon